La pièce «Avec Norm», mise en scène par René-Richard Cyr, au Théâtre du Rideau Vert – Bible urbaine

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La pièce «Avec Norm», mise en scène par René-Richard Cyr, au Théâtre du Rideau Vert

La pièce «Avec Norm», mise en scène par René-Richard Cyr, au Théâtre du Rideau Vert

Être confronté à ses propres échecs

Publié le 22 mars 2013 par Camille Masbourian

Crédit photo : Théâtre du Rideau Vert

Normand, déficient intellectuel de 29 ans, habite un petit appartement dans un quartier défavorisé de Montréal. Coincé dans sa vie et dans sa condition, il essaie tant bien que mal de poursuivre son chemin vers un monde où il fait un peu plus soleil, quelque part entre Tony, sa vieille voisine malade, Nancy, sa sœur un peu déséquilibrée, son intrigant ami Batman et François, son parrain qui aimerait tellement pouvoir l’aider. François, étranger au monde dans lequel évoluent Normand et ses amis tentera d’approcher et d’intégrer ce monde le plus possible pour mieux comprendre et mieux aider, au risque de se cogner solidement sur un mur qu’il ne pourra pas franchir.

Serge Boucher, l’auteur derrière cette histoire, a dit de sa pièce Avec Norm que c’était une pièce sur l’échec, une histoire qui était finalement plus le drame de François qui échoue dans sa mission d’aider Normand, que le drame de Normand lui-même. Lorsque Serge Boucher l’a proposée à René Richard Cyr il y maintenant près de 10 ans, celui-ci a commencé par refuser, déprimé et repoussé par cette histoire assez laide en surface. En s’approchant un peu plus, il a compris la nécessité que cette pièce soit montée et présentée. C’était au Théâtre d’Aujourd’hui, en 2004.

René Richard Cyr, alors directeur artistique du théâtre, a mis en scène cette pièce, en plus d’y tenir le rôle de François, aux côtés d’un jeune Benoit McGinnis (Normand), sorti de l’École nationale de théâtre depuis quelques années à peine, de Louison Danis (Tony) et de Sandrine Bisson (Nancy). En 2013, René Richard Cyr a cédé les rênes de la mise en scène à Robert Bellefeuille et son rôle de François à Éric Bernier, alors que Muriel Dutil reprend celui de Louison Danis. Quant à Benoit McGinnis et Sandrine Bisson, après quelques détours par d’autres scènes montréalaises, la télévision et le cinéma, ils reprennent leur rôle respectif, cette fois sur les planches du Rideau Vert.

L’histoire de Normand n’est pas belle. Présentée en 22 courts tableaux tous plus tristes et pathétiques les uns que les autres, elle nous confronte tout de même à nos préjugés et à nos propres échecs. Le spectateur est témoin de cette histoire presque au même titre que François, mal à l’aise et sans ressources, mais avec une une sorte d’émerveillement et, surtout, une grande volonté de vouloir faire quelque chose pour aider. Le problème, c’est ce quelque chose, qui n’est pas facile à trouver. Que peut-on faire pour aider Normand? Et tout d’abord, veut-il de l’aide? Serge Boucher, qui a déjà été parrain, décrit ces situations de la vie quotidienne, de façon hyperréaliste et très troublante.

Les comédiens évoluent dans un décor représentant l’appartement de Normand, où s’entassent vêtements sales, poubelles et restes de pizza. Le décor, une création de Réal Benoît, ajoute à cet hyperréalisme, tout comme le jeu des comédiens, sensible, et très juste. Muriel Dutil incarne une Tony malade et infirme, mais encore assez vive d’esprit et manipulatrice pour convaincre Normand de demander à François de lui prêter vingt dollars pour s’acheter des cigarettes. En robe de chambre et pantoufles, sacrant comme un gars de chantier en regardant les Pierrafeu à la télé, Tony présente un amusant contraste avec son interprète. À l’opposé, Éric Bernier que l’on a souvent vu dans des rôles plus comiques, notamment au petit écran dans Les hauts et les bas de Sophie Paquin ainsi que dans Tout sur moi, joue ici un François sérieux et complètement désemparé devant le triste spectacle qui s’offre à lui.

Quant à Benoit McGinnis, un habitué des textes de Serge Boucher (, Excuse-moi, Aveux), il est ici méconnaissable avec ses grosses lunettes et sa démarche claudicante. Les tics physiques, le langage, les expressions, la tenue… tout est impeccable. Tellement, qu’on a l’impression que le rôle est tenu par un acteur lui-même atteint d’une déficience. Un rôle qui ne pourrait être plus à l’opposé de celui qu’il tient soir après soir dans 30 vies! Seule Sandrine Bisson propose une interprétation moins parfaite, parce qu’un peu surjouée. Sa Nancy déplace de l’air, elle a un caractère et une façon de s’exprimer bien à elle, mais est-il nécessaire qu’elle crie autant? Juste un peu de retenue à certains moments ajouterait à la charge émotive véhiculée par ce personnage.

On rit, dans Avec Norm, mais on rit jaune aussi parfois. On est confrontés à nos préjugés ainsi qu’à nos propres échecs, mais pour combien de temps? Y penserons-nous encore demain matin? Probablement pas, et c’est ce qui rend cette histoire encore plus criante de vérité. À voir absolument.

La pièce Avec Norm est présentée au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 13 avril 2013.

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