«Sous un même soleil», la saga de guerre du cinéaste montréalais François Jacob – Bible urbaine

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«Sous un même soleil», la saga de guerre du cinéaste montréalais François Jacob

«Sous un même soleil», la saga de guerre du cinéaste montréalais François Jacob

Un documentaire qui se veut le miroir d’un conflit qui perdure depuis la nuit des temps

Publié le 24 août 2021 par Éric Dumais

Crédit photo : Tous droits réservés @ Les Films du 3 Mars

Si vous faites partie de ceux qui s'intéressent à l’actualité internationale, vous avez certainement lu bon nombre d’articles sur le conflit qui oppose les Arméniens et les Azerbaïdjanais depuis plusieurs décennies, encore aujourd’hui. Jusqu’à tout récemment, de violentes tensions ont mené ces deux peuples du Caucase à faire éclater leur rancœur jusqu’à s’entretuer à la frontière des deux pays, dans un accrochage des plus meurtriers depuis la fin de la guerre au Nagorny Karabakh, le territoire séparatiste disputé. Sous un même soleil, le plus récent long métrage documentaire du réalisateur québécois François Jacob, s’intéresse à ce conflit qui perdure depuis la nuit des temps et accorde la parole à ces habitants qui, on se doit de se le rappeler, sont des êtres humains malgré tout.

«Comment ça se fait qu’il n’y ait pas moyen de s’entendre sur un territoire [Nagorny Karabakh], et que les Arméniens et les Azerbaïdjanais soient obligés d’en venir aux armes pour se disputer des bouts de terres minuscules?»

Voilà une question qui taraudait l’esprit de François Jacob au moment où il a commencé à s’intéresser à la région et aux origines du conflit qui opposent ces deux peuples depuis tant d’années.

C’est que le cinéaste montréalais, qui a déjà connu l’expérience du dépaysement majeur avec le tournage de Sur la lune de Nickel (2017), se cherchait une raison d’aller tourner là-bas, près de la mer Caspienne. Et la proposition d’Antoine Dion-Ortega, l’un de ses bons amis, est tombée à point, puisque ce dernier allait s’envoler sous peu à Bakou, capitale et pôle commercial de l’Azerbaïdjan, pour y travailler sur un projet en journalisme. Il a alors lancé l’invitation à François Jacob, qui ne l’a évidemment pas refusée.

«On y est allés, j’ai été passionné, on a rencontré plein de gens, et soudainement le projet est né comme ça, dans une démarche exploratoire où on ne savait pas trop où on s’en allait. Mais après en avoir parlé à des amis arméniens ici, à Montréal, ça m’excitait de continuer à explorer cette passion linguistique et culturelle.»

Image tirée du documentaire «Sous un même soleil»

 

Une immersion totale pour gagner la confiance des gens du coin

«Pour avoir une certaine légitimité sur un film comme celui-ci, il fallait s’immerger: on a donc été neuf fois dans la région, fait quatre séjours de plus d’un mois et demi, parfois deux, en Arménie, on a été trois fois en Azerbaïdjan, notre premier séjour ayant été à Bakou, et chaque fois, on lisait tout ce qui existait sur le sujet, on parlait avec des gens, et on faisait une tonne de recherches et d’interviews. C’était vraiment une immersion totale. En tout, on a une captation sur trois ans et demi et plus de deux-cents heures de tournage!» 

Celui qui se dit impulsif lorsqu’il est passionné, ce qui s’avère une belle qualité en soi, avait la certitude que, si son équipe et lui s’étaient mis à tourner dès le lendemain de leur arrivée, ils n’auraient jamais réussi à obtenir le degré de confessions sincères qu’on retrouve dans la majorité des témoignages du film.

«Parce que la première chose que les gens disent, ce sont des choses de propagande aux étrangers pour justifier leur position, leur camp. C’est à partir d’une semaine complète passée en leur compagnie, à manger avec eux, à parler avec eux, à marcher avec eux, qu’on a réussi à établir un climat de confiance mutuel. Tout à coup, ce qu’il nous racontait devenait plus personnel, plus méditatif.»

Image tirée du documentaire «Sous un même soleil»

À travers le conflit et les tensions se trouve un désir partagé: celui de vivre

C’est ainsi qu’à travers Sous un même soleil, on en vient à découvrir des humains sincères et vrais, qui n’ont qu’une seule envie, au fond; celle de vivre. Mais hélas, cette éternelle rancœur qui envenime leurs rapports prend le dessus sur leur raison et leurs pensées.

«Dieu nous a créés pour qu’on vive. Pas pour qu’on s’entretue. Et pourtant on s’entretue. Vois-tu, ils vont te tuer. Alors, tue-les avant qu’ils te tuent.»

C’est là le discours de l’un des rares Azerbaïdjanais que l’on peut apercevoir dans le film, car comme nous l’a expliqué le réalisateur, leur pays est aux prises avec un régime totalitaire, un régime de la terreur, et c’est donc pour cette raison précise que les intervenants de cette région sont rares dans ce film.

«On a rencontré une tonne de gens, mais la plupart n’ont pas voulu parler parce qu’ils avaient peur. C’est un pays où quand tu entres chez quelqu’un, tu mets ton téléphone dans un coffre en plomb. Il y a des représailles, des enlèvements. Dans la police, il y a des forces paramilitaires qui ne portent pas l’habit militaire et qui kidnappent des gens en pleine rue. Nous, on avait même très peur. Souvent, mon équipe me mettait de la pression pour qu’on quitte l’Azerbaïdjan au plus vite, parce qu’il y avait trop d’histoires de gens, d’étrangers qui étaient mis en prison. Tout est sous tension. Et en plus, c’est interdit de filmer là-bas, donc on a été clandestins.»

Ce que François Jacob retient surtout de cette précieuse expérience à des milliers de kilomètres de chez lui, c’est le fait que l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont des pays très fiers, et que les gens sont extrêmement généreux et hospitaliers. Le seul hic, c’est que si tu les lances sur le thème du conflit, c’est là que leur mentalité tribale se dévoile…

«Ce qui m’a sidéré, c‘est le festival du déni qui y règne. Ils pensent comme un clan, comme un pays. Le pays est le clan, et l’honneur c’est de défendre son clan. Bref, les gens là-bas s’en tiennent à la parole du village. Car laver son linge sale en famille, ça n’existe pas! Et leur conflit, c’est comme un divorce. Un mari et une femme qui sont tellement loin dans leurs disputes qu’ils n’entendent plus l’autre. C’est une rancœur qui tourne en rond. Les discours changeront lorsqu’ils seront fatigués de se battre.»

François Jacob, réalisateur. Photo: Jéricho Jeudy

À votre tour maintenant de vivre une immersion loin de votre quotidien!

Trois mois après la sortie du film, une guerre vicieuse a de nouveau éclaté, et cette fois, il n’y a pratiquement pas eu de combats corps à corps; les bombardements étaient en fait contrôlés à deux-cents kilomètres de distance par des drones dévastateurs.

«Il y a une population pacifiste des deux côtés, mais c’est sûr qu’il y a beaucoup de chemin à faire pour cesser de diaboliser l’autre. Il n’y a aucune empathie en ce moment entre ces deux peuples», ajoute François Jacob.

Ne vous attendez pas, avec Sous un même soleil, à un long métrage documentaire qui met de l’avant la gloire de ces deux pays. C’est un film miroir, un film d’observation d’un conflit. «Mon but premier, c’était de rendre tous ces gens-là humains aux yeux des autres. Un peu comme si j’étais un médiateur en divorce», nous a lancé François Jacob, un sourire dans la voix.

Si vous êtes une personne curieuse qui a envie d’apprendre, de voyager, de découvrir d’autres cultures et d’autres façons de penser, prévoyez-vous une petite sortie culturelle dans un cinéma près de chez vous à compter du 27 août! Il y a fort à parier que vous en ressortirez grandi et plus attentif à ce qu’il se passe dans le monde… loin de vous.

Par ailleurs, n’hésitez pas à tenter votre chance, car on vous offre quatre paires de billets pour la représentation du 29 août à 13 h 30 au Cinéma du Musée. Bonne chance!

Pour en savoir plus sur le film, visitez la plateforme des Films du 3 Mars au https://f3m.ca/film/sous-un-meme-soleil.

Le documentaire «Sous un même soleil» en images

Par Tous droits réservés @ Les Films du 3 Mars

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    François Jacob, réalisateur. Photo: Jéricho Jeudy

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