«Sils Maria» d'Olivier Assayas | Bible urbaine

CinémaCritiques de films

«Sils Maria» d’Olivier Assayas avec Juliette Binoche et Kristen Stewart

«Sils Maria» d’Olivier Assayas avec Juliette Binoche et Kristen Stewart

L'éloge de l'art et du temps qui passe

Publié le 10 avril 2015 par Aurore Taddei

Crédit photo : Métropole Films

Le film donne à réfléchir et à ressentir cette souffrance physique et morale qu’éprouve Maria à devoir endosser et interpréter un rôle qui l’effraie, tandis que le rôle de la jeune fille est distribué à la teen-star, aussi borderline qu’étrangement adulée Jo-Ann Ellis (Chloë Grace Moretz). La jeune actrice semble incarner les vedettes du cinéma actuel, qui désirent être célèbres et le rester pour toujours, sans aucune pudeur. Une attitude, largement exposée par les médias, qui répugne complètement Maria Enders, dont le classicisme surprend et dénote par rapport à cette contemporanéité des plus trash. Le personnage de Sigrid, qui symbolisait à l’époque la jeunesse libre et puissante, serait-elle en 2014 la projection de ces starlettes provocatrices?

Il est difficile de ne pas voir en Sils Maria une mise en abyme des comédiens d’aujourd’hui. Les actrices du film et les actrices dans le film semblent se faire échos entre elles, se refléter dans une pièce à miroirs. L’art et la jeunesse sont injectés dans l’une puis dans l’autre. Maria Enders était Sigrid, et laisse place à Jo-Ann Ellis, qui demain sera à son tour la quadragénaire Helena. Une vie éternelle et un éternel recommencement semblent alors se profiler devant elles.

Juliette Binoche et Kristen Stewart

La pièce et le film deviennent tour à tour une réflexion sur ce que semble devenir l’art au XXIe siècle: entre blockbusters en 3D et pièce de théâtre, entre le vacarme d’Hollywood et l’écho silencieux des montagnes, entre «l’hypermondial» des scandales 2.0 et «l’hyperlocal» de la sérénité du petit village Sils-Maria. C’est dans cette incompatible dualité que le cinéma d’Olivier Assayas triomphe dans un huis clos (au final ouvert) où l’histoire tend à devenir une véritable étude sociologique dans les coulisses du spectacle.

Juliette Binoche y est lumineuse et Kristen Stewart surprend par sa magnifique sobriété, bien loin du jeu inexpressif qu’on lui connait. Malgré quelques langueurs, une bande son qui ne reflète pas l’esprit du film et un mauvais fondu noir en guise de transition entre les scènes, Sils Maria hypnotise d’intelligence et de profondeur jusqu’à la scène finale, où Maria s’apprête à jouer pour la première fois le rôle d’Helena au théâtre. Son visage, filmé en gros plan, semble annoncer l’acceptation de soi, le renoncement à la gloire et le deuil du temps qui passe. Finalement, c’est la quiétude qui a pris le dessus, tel le maloja snake, ce nuage qui au début annonçait le mauvais temps et qui aujourd’hui symbolise la sérénité de son impérial passage entre les montagnes du Sils Maria.

L'avis


de la rédaction

Vos commentaires

Revenir au début