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Crédit photo : Métropole Films
Le film s’ouvre sur un train qui sillonne au bas des étroites montagnes alpines de Suisse. Une jeune femme, Valentine (Kristen Stewart), habillée de style rock-dark, passe son temps à alterner nerveusement entre deux téléphones et une tablette afin de pouvoir agencer la vie intime et professionnelle de Maria Enders (Juliette Binoche), une actrice internationale de tout juste quarante ans. Celle-ci regarde mollement le paysage, par la vitre du wagon. Le train se dirige vers Zurich où elle doit récupérer, lors d’une cérémonie, le prix de son mentor Wilhelm Melchior, l’auteur du Serpent de Maloya (Maloja Snake), la pièce de théâtre qui sera le fil conducteur de Sils Maria.
C’est Maloja Snake qui a permis à Maria Enders de commencer sa carrière, en y jouant le rôle «qui lui colle à la peau» (dit-elle) de Sigrid, une jeune fille qui séduit Helena, une quadra carriériste, tout juste avant de pulvériser sa vie. Cette fois-ci, le jeune metteur en scène Klaus Disterweg lui demande de prendre le rôle de la quadra, qui est alors conduite jusqu’au suicide, par amour.
En acceptant le rôle, Marie Enders se rend compte qu’il ne s’agit pas seulement de renoncer à sa jeunesse d’autrefois ni d’avoir à affronter le passé en remarchant sur ses pas, mais en recroisant de vieux fantômes, amours ou lieux d’autrefois. Bien plus que cela, Maria se voit dans l’obligation de jouer le rôle d’une femme qui la répugne tant elle représente tout ce qui lui fait le plus peur: le carriérisme, l’autorité, la solitude, le désuet et surtout la faiblesse. Alors qu’autrefois elle incarnait Sigrid, la jeune fille indépendante, aussi séductrice que destructrice, la voilà désormais quasiment contrainte d’interpréter celle qui symbolise le temps qui passe et l’échec. Un passage de l’autre côté du miroir qu’elle refuse, ou plutôt, qu’elle n’assume pas (encore).
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