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Crédit photo : www.nouveaucinema.ca (image tirée du film «Ava»
«Ava» de Léa Mysius
Il serait facile de faire des parallèles avec l’esprit libre d’American Honey (2016) d’Andrea Arnold et le controversé Diary of a teenage girl (2015) de Marielle Heller, et bien qu’il soit découpé du même drap, Ava, réalisée par la jeune cinéaste française Léa Mysius, parvient à être une prise unique et rafraîchissante sur le passage de l’adolescence au stade adulte.
En plus d’explorer l’éveil de la sexualité, les relations tumultueuses avec les parents et la confusion de ces premiers pas vers la féminité, Ava compare, de manière astucieuse, la perte de l’innocence de l’enfance avec la dégradation de la vue du personnage principal, qui disparaît peu à peu en raison de sa condition rétinite pigmentaire. Cet élément intéressant permet à la cinéaste de jouer avec des couleurs thématiques, qui, associées au 35 mm, créent une esthétique riche et texturée qui est hautement accomplie pour un premier long métrage. Par exemple, le leitmotiv récurrent du «noir» et de l’«obscurité» est incarné par le chien Lupo, qui suggère une vision saisissante, apparaissant en premier lieu comme un contraste frappant avec les teintes de la plage, lieu de désinvolture et d’escapade pour la jeune Ava.
C’est un film composé en deux parties, et si la première moitié est sans doute la plus forte, la seconde n’est pas sans mérite non plus. Sa configuration est juste selon les livres pour commencer; nous sommes confrontés à la relation dysfonctionnelle entre Ava (Noée Abita) et sa mère Maud (Laure Calamo). Cette dernière est parfois trop complaisante pour sa fille adolescente, et de temps à autre, trop franche et ouverte dans ses discussions sur la liberté et la sexualité, mais Maud est une figure maternelle atypique qui dynamise sans aucun doute la relation mère-fille. Rapidement, le spectateur constate qu’Ava n’est pas un personnage très sympathique, mais Noée Abita, un nouveau visage du cinéma français, fait un travail absolument étonnant dans son impression.
Non seulement elle avait 17 ans au moment du tournage, mais elle était capable de jouer une fillette de 13 ans, avec son regard déconcertant et son visage maussade qui jouent énormément sur la narration; un énorme fardeau à placer sur une si jeune actrice, mais elle est tout simplement à couper le souffle.
Le sens de la normalité dans ce récit initiatique est compromis de façon abracadabrante avec quelques séquences de vision cauchemardesque; c’est un film qui a aussi un doigt sur le surréalisme, qui crée parfois des bulles pour sortir du récit trivial. Alors que la relation d’Ava se développe de plus en plus avec son mystérieux amant Juan (Juan Cano), ces derniers se retrouvent dans une séquence sombre et comique dans laquelle ils se lancent dans un délire à la plage, nus, enduits d’argile et braquant des baigneurs sans méfiance. C’est une métaphore étrange mais envoûtante de liberté, et particulièrement mémorable et originale.
Au fur et à mesure que le film se transforme en une fuite entre «jeunes amoureux», la narration et la cohérence du récit s’essoufflent un peu, et c’est dommage que la dynamique mère-fille n’ait pas la chance d’être approfondie à sa juste valeur, même chose pour l’aveuglement imminent d’Ava qui semble être oubliée. La fin est insatisfaisante à bien des égards, et c’est regrettable quand tout ce qui précède a été si fort.
Pourtant, Ava est un film unique, magnétisant et magnifiquement tourné avec une performance incroyable de sa nouvelle venue Noée Abita, portant la vision passionnante de sa réalisatrice Léa Mysius. Malgré une intrigue qui souffre en deuxième partie, le long métrage est une réalisation excitante et distinctive qui apporte un véritable souffle de jeunesse avec des idées et des surprises rafraîchissantes.
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de la rédaction