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Crédit photo : TVA Films
Classique des classiques, Mademoiselle Julie est une pièce de théâtre créée en 1889 par le dramaturge suédois August Strindberg. L’oeuvre a fait l’objet d’une myriade d’adaptations tant le coeur de l’histoire demeure d’actualité depuis le 19e siècle. Il s’agit d’un huis clos où la fille héritière d’un aristocrate vient exercer son pouvoir sur ses servants, le valet de son père, Jean, et la fiancée de ce dernier et aussi cuisinière, Kristin. La cinéaste Liv Ullmann est restée fidèle à l’histoire, ne changeant que les noms (Jean devenant John et Kristin, Kathleen) et l’emplacement initial de l’action. Ce Mademoiselle Julie s’invite en Irlande du Nord, la veille de la Saint-Jean.
Mademoiselle Julie (Jessica Chastain) vient tyranniser John (Colin Farrell), dont elle est amoureuse et le force à la charmer en sa qualité de maîtresse de maison, torturant du fait même Kathleen (Samantha Norton, que l’on a pu voir dans le film The Harvest). La tension du récit repose sur le mépris des différentes classes des protagonistes. Julie apprendra néanmoins à ses dépens que ce qu’elle croyait être un fossé d’une nature monétaire la séparant de l’homme qu’elle aime est en réalité une prison la contraignant à son rôle de femme. C’est pourquoi Mademoiselle Julie est intemporelle et que le personnage est si fort.
La lutte féministe n’est toujours pas gagnée. Il s’agissait donc d’un sujet en or pour la réalisatrice suédoise. Elle est malencontreusement passée à côté avec ce film…
La cause d’une telle déception provient, de prime abord, d’un manque de chimie entre Chastain et Farrell. Ce dernier fait preuve d’un manque d’investissement flagrant, à coups de mimiques disgracieuses et de regards larmoyants sans grande profondeur. Et c’est malencontreux pour sa partenaire qui se dédie à son rôle, corps et âme.
Les protagonistes évoluent également dans une mise en scène sans originalité, drabe et austère. Si l’on sent qu’Ullmann a voulu respecter le caractère naturaliste de la pièce originale, c’est-à-dire en étant le plus réaliste possible, elle s’embourbe dans des convenances. On sent les ficelles qui sont tirées de partout pendant l’entièreté du film. On pourrait admirer la volonté de la cinéaste de suggérer quelques scènes plus sulfureuses plutôt que de nous en mettre plein la gueule, mais cela ne vient qu’accentuer cette atmosphère déjà trop beige.
Dommage pour Jessica Chastain, qui incarne sans l’ombre d’un doute une Mademoiselle Julie puissante et majestueuse et qui n’a rien à envier aux Binoche, Ardent et Adjani de ce monde.
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de la rédaction