«The Immigrant» de James Gray – Bible urbaine

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«The Immigrant» de James Gray

«The Immigrant» de James Gray

Du péché à l'expiation

Publié le 6 juin 2014 par Aurore Taddei

Crédit photo : Les Films Séville

Après Two Lovers (2008), We Own the Night (2007) et The Yards (2000), James Gray annonce son œuvre The Immigrant comme étant le «film le plus ambitieux» qu'il ait jamais entrepris de réaliser. Bien plus qu'un simple mélodrame, Gray nous présente dans ce nouveau film la bouleversante odyssée d'une femme catholique immigrant aux États-Unis pour vivre une vie meilleure. Focus sur le New York corrompu des années 20 qui bouscule les opinions établies sur ce qu'est le rêve américain.

1921. Ewa et sa sœur Magda fuient leur Pologne natale pour s’établir à New York, une terre idéalisée qui semble leur faire la promesse d’une vie meilleure. Comme beaucoup d’immigrés de l’époque, elles caressent l’espoir de s’emmailloter dans le rêve américain, de se marier et de fonder une famille. Mais à peine arrivée à Ellis Island, Magda, soupçonnée d’être tuberculeuse, est aussitôt mise en quarantaine. Ewa (Marion Cotillard) esseulée et suppliante, est alors chaperonnée par Bruno (Joaquin Phoenix), un proxénète qui lui propose insidieusement de se prostituer dans sa gargote pour payer la liberté de sa sœur. Contrainte de s’exhiber sur cette scène infâme dans le rôle ô combien ironique de la Statue de la Liberté, elle doit désormais satisfaire le désir des hommes, lesquels sont filmés par James Gray comme d’infectes ivrognes. L’arrivée quasi rédemptrice d’Orlando, illusionniste et cousin de Bruno, va donner de l’espoir à Ewa, et ce, aux dépens de la jalousie de Bruno.

De l’espoir, il en insuffle également au spectateur, qui semble déjà enclavé dans cette spirale destructrice, tant James Gray parvient à l’enfermer avec Ewa dans une voie sans issue. La force principale du film réside justement en ces destins qui se débattent sans cesse contre le mal et l’obscurité.

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Bruno le proxénète, déséquilibré entre l’amour maladroit et la violence possessive, entraîne Ewa avec lui dans les bas-fonds d’un New York sale, ocre et embrumé. The Immigrant surprend par cette palette chromatique qui s’étend sans cesse du très sombre au très clair, symbolique d’une évolution du péché vers le pardon. Plus Ewa s’effondre, plus elle se purifie et s’élève avec noblesse. Magnifiquement filmée par James Gray, la luminosité de Marion Cotillard nous transporte jusqu’à des sommets de beauté qui submergent le spectateur tout au long du film. Paradoxalement, Bruno, à la fois monstre irrévérencieux et «salaud», nous touche finalement par sa terrible humanité et ses propensions aux remords qui le rongent jusqu’à la moelle en guise de châtiment. Et qui d’autre pour interpréter cette noirceur que Joaquin Phoenix, encore une fois impérial et magnifique à l’écran?

Ce cinquième film de Gray est donc une réussite, d’autant plus que la mise en scène et le classicisme de la réalisation restent intelligemment retenus afin de ne pas tomber lourdement dans le pathos ou le voyeurisme. À l’heure où le cinéma tend à toujours trop «montrer» (on atteint un paroxysme avec Nymphomaniac de Lars Von Trier) une telle pudeur est ici fortement appréciée, car elle laisse sa place au spectateur, et le respecte. Tout au long du film, il a le temps d’observer la vie intérieure des personnages au bord de l’implosion. Vie intérieure qui ne cesse d’évoluer silencieusement pour finir par éclater en mille morceaux lors de la merveilleuse et ambivalente séquence finale.

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