«Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide – Bible urbaine

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«Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide

«Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide

Il y a peu de sensations fortes dans ce manège

Publié le 9 avril 2025 par Maxance Vincent

Crédit photo : Universal Pictures

L'une des techniques les plus récurrentes au cinéma est celle du champ-contrechamp, qui se résume simplement comme étant une alternance entre une figure et une autre, souvent utilisée lors d'un échange entre deux personnages. Nous avons un plan où l'un regarde l'autre, et vice-versa. Au montage, nous n'avons qu'à alterner entre les deux plans, créant souvent de la tension dramatique lorsque la conversation s'intensifie. Le lieu emblématique de ce procédé dans le cinéma a toujours été le restaurant, où il est facile de mettre une personne à l'opposé de l'autre pour ensuite créer un échange de dialogues mémorable. «Drop», le nouveau thriller de Christopher Landon, est entièrement basé sur ce procédé, ayant justement comme lieu un restaurant haut de gamme, où les conversations entre les personnages viennent créer du suspense alors que le récit s'intensifie progressivement.

Nous suivons Violet (Meghann Fahy) à son premier rendez-vous depuis le décès de son mari abusif. Son compagnon pour la soirée, Henry (Brandon Sklenar), un photographe charmant, apprécie la résilience de la protagoniste à surmonter une période si traumatique et désire vouloir aider sa famille, qui continue de traverser des moments difficiles.

Soudainement, Violet reçoit des messages bizarres d’un harceleur anonyme envoyant des memes par AirDrop sur son cellulaire. Elle les ignore au départ, mais ceux-ci deviennent de plus en plus intenses, jusqu’à menacer la vie de son fils Toby (Jacob Robinson) et de sa sœur Jen (Violett Beane).

Et c’est précisément à ce moment que l’harceleur ordonne Violet de tuer Henry. Pour quelles raisons doit-elle risquer sa vie et empoisonner son amoureux potentiel pour sauver les membres de sa famille? Je vous laisse découvrir les développements d’un thriller avec plusieurs idées scénaristiques intéressantes par vous-même, qui se veut patient et délibéré, jusqu’à un dénouement explosif et rempli d’action.

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Bernard Walsh / Universal Pictures

Pour la majeure partie du film, nous avons affaire ici à une proposition formelle très simple, donnant lieu à une excellente opportunité de rafraîchir la technique du champ-contrechamp pour un public plus moderne.

Plus le film avance, plus que les conversations entre Violet et Henry deviennent tendues, puisque la protagoniste est poussée à mentir pour protéger la vie de sa famille et ne peut dire à Henry qu’ils sont en danger. Cependant, Violet doit convaincre Henry de rester à la table, alors qu’elle essaie tant bien que mal de déjouer les messages d’une personne anonyme prête à tout pour que le photographe meure.

Une proposition excitante, mais maladroitement exécutée

Naturellement, l’utilisation du champ-contrechamp crée un rythme particulier, alors que le suspense monte en crescendo lorsque les instructions deviennent de plus en plus sombres et les échanges beaucoup plus haletants. Malheureusement, le montage de Ben Baudhuin, qui a également collaboré avec Landon pour Happy Death Day 2U, Freaky et We Have a Ghost, est si maladroitement construit qu’il vient ternir le momentum que le film aurait pu avoir s’il avait bénéficié de coupes précises et bien rythmées.

Pour une raison inexplicable, les conversations en champ-contrechamp n’ont aucun rythme, puisque les coupes abruptes à chaque milliseconde ne laissent pas au public le temps de respirer et de former une connexion émotionnelle au récit. Pire encore, lorsque la tension dramatique du film atteint son apogée et que l’identité du stalker est révélée, les successions de scènes d’action suivant ce punch sont coupées si aléatoirement qu’elles deviennent carrément incompréhensibles. Notre cerveau n’est même pas capable d’assimiler les images à l’écran, tellement l’assemblage entre les plans est trop rapide!

Il n’y a aucune intention artistique forte derrière ce montage rapide, mis à part le fait de masquer complètement la violence de l’action pour que le film se voie attribuer un classement «PG-13» aux États-Unis, afin de maximiser sa profitabilité en salles.

Landon n’a probablement pas tourné Drop pour qu’il obtienne ce classement, ce qui expliquerait pourquoi la confrontation finale avec l’antagoniste, qui est d’une grande violence crue, est complètement imperceptible: les coupes sont si successives et sans réelle continuité que nous ne pouvons carrément rien voir ou comprendre ce qui se passe.

Bernard Walsh / Universal Pictures

Et c’est d’autant plus bizarre que le montage soit si lamentable, puisque la facture visuelle du film est très expressive. Landon et son directeur photo, Marc Spicer, ont eu beaucoup de plaisir à représenter les textos d’une manière plus prenante qu’une simple conversation de «bulles» à l’écran, et jouent avec plusieurs échelles de plans afin de représenter les tournures dramatiques du récit. Lors d’un moment critique peu de temps avant le dénouement, le réalisateur change de perspective et nous emmène à la première personne, dans le point de vue subjectif de Violet, laquelle est sur le point de commettre l’irréparable.

Ici, la tension est très efficace, puisque le montage ralentit soudainement afin de laisser l’image parler pour elle-même. Il y a aussi des jeux intéressants avec l’éclairage, surtout lorsque la protagoniste se focalise sur plusieurs figures dans le restaurant afin de déterminer qui lui envoie des messages. Les lumières du restaurant s’éteignent, sauf pour montrer la personne que Violet regarde.

Ce sont des outils théâtraux de mise en scène qui donne un peu de jus à un film qui en a beaucoup besoin, surtout lorsque le restaurant devrait agir en quelque sorte comme un personnage à part entière pour amplifier la peur que Violet ressent à l’intérieur du lieu.

Cependant, on dirait que la caméra n’est même pas intéressée à vouloir explorer l’environnement, à l’exception d’un plan élégant au début montrant la superficie de l’endroit. La majorité du récit se passe à table, où Violet essaie de déjouer l’individu lui envoyant des textos, avec un montage inégal, ne créant jamais un sentiment tangible d’angoisse chez le public. Il y a quelques moments visuels forts, certes, mais ceux-ci sont beaucoup plus rares qu’ils devraient l’être, surtout lorsque le film agit en quelque sorte comme une excuse au cinéaste pour effectuer un exercice cinématographique dans un lieu, où les images et le montage sont plus importants que les dialogues et le jeu d’acteurs.

Meghann Fahy et Brandon Sklenar sauvent presque le film

Heureusement, Fahy et Sklenar donnent assez de texture dans leurs jeux respectifs pour qu’un ancrage émotionnel soit progressivement formé par leur chimie. Les deux acteurs sont devenus célèbres grâce à des rôles phares dans deux séries télévisées, soit The White Lotus pour Fahy et 1923 pour Sklenar, mais ils sont encore plus à l’aise au grand écran.

Sklenar possède un charme très particulier dès sa première rencontre avec Fahy, qui est capable de balancer plusieurs registres d’émotions fortes lorsque son passé traumatique revient la hanter en pleine face dans la situation à laquelle elle est confrontée.

Bernard Walsh / Universal Pictures

La meilleure scène du film se produit justement lorsque Violet et Henry parlent de leurs vulnérabilités et partagent leurs préoccupations quant à l’avenir. C’est une excellente démonstration du talent respectif de nos deux vedettes, qui campent un moment d’une intensité dramatique si puissant que nous finissons ultimement par embarquer dans le récit, seulement pour savoir comment les personnages principaux vont se sortir d’un événement qui n’a pas l’air de vouloir se conclure positivement.

Malgré cela, avec un assemblage de plans maladroit et sans justification derrière ses coupes rapides, le film finit par nous échapper. Et c’est malheureux que cela en soit ainsi, puisque Drop deviendrait un divertissement louable avec deux excellentes performances nous tenant en haleine si le montage avait du sens.

Cela étant dit, tout ce dont nous nous souviendrons de ce thriller, c’est l’opportunité gâchée de ne pas avoir voulu conserver un rythme simple pour une succession de plans en champ-contrechamp efficaces, qui auraient créé naturellement le suspense si désiré que Landon aurait pu avoir du plaisir à construire…

Le film «Drop» de Christopher Landon en images

Par Bernard Walsh / Universal Pictures

  • «Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide
    Meghann Fahy jouant Violet. Photo: Bernard Walsh / Universal Pictures
  • «Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide
    Violet (Meghann Fahy) et Henry (Brandon Sklenar). Photo: Bernard Walsh / Universal Pictures
  • «Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide
    Meghann Fahy jouant Violet. Photo: Bernard Walsh / Universal Pictures
  • «Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide
    Le réalisateur Christopher Landon et Meghann Fahy lors du tournage. Photo: Bernard Walsh / Universal Pictures
  • «Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide
    Meghann Fahy jouant Violet. Photo: Bernard Walsh / Universal Pictures
  • «Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide
    Meghann Fahy dans la peau de Violet. Photo: Bernard Walsh / Universal Pictures
  • «Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide
    Meghann Fahy jouant Violet. Photo: Bernard Walsh / Universal Pictures
  • «Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide
    Meghann Fahy interprétant Violet. Photo: Bernard Walsh / Universal Pictures
  • «Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide
    Henry (Brandon Sklenar) et Matt (Jeffrey Self). Photo: Bernard Walsh / Universal Pictures
  • «Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide
    Cara (Gabrielle Ryan). Photo: Bernard Walsh / Universal Pictures
  • «Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide
    Meghann Fahy jouant Violet. Photo: Bernard Walsh / Universal Pictures
  • «Drop» de Christopher Landon: un thriller en chute raide
    Violet (Meghann Fahy) et Henry (Brandon Sklenar). Photo: Bernard Walsh / Universal Pictures

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