«Big Bad Wolves» d'Aharon Keshales et Navot Papushado – Bible urbaine

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«Big Bad Wolves» d’Aharon Keshales et Navot Papushado

«Big Bad Wolves» d’Aharon Keshales et Navot Papushado

Diluer la noirceur par le rire

Publié le 2 août 2013 par Jim Chartrand

Crédit photo : Fright Fest

Deux ans après le flamboyant succès qu'a remporté le surprenant et jubilatoire Rabies, Aharon Keshales et Navot Papushado ont quitté leur Israël natal pour faire un détour par le Festival international de films Fantasia afin d'y présenter le malicieux Big Bad Wolves. Un opus somme toute stylisé et maîtrisé ayant comme trame de fond le thème surutilisé de la vengeance, auquel ils ont tout de même trouvé le moyen d'insérer une dose non négligeable de surprises.

Un pédophile en liberté, une enquête irrésolue, des cadavres de jeunes filles violées, torturées, mutilées et décapitées, un professeur soupçonné mais sans preuve formelle, et le père d’une des victimes qui en a assez. Sans surprise, il a en tête sa petite vengeance. Un classique. Mais l’est-ce vraiment?

Aharon Keshales et Navot Papushado sont des cinéastes qui nagent à contre-courant. Non seulement parce qu’ils vont à l’encontre de ce qui se fait chez eux, mais surtout parce qu’ils déjouent les codes narratifs des genres qu’ils ont certainement admirés pendant longtemps pour pouvoir s’en défaire aussi aisément. Dans Rabies, on s’amusait à transformer les appréhensions du genre slasher movie pour transformer le canevas en véritable terrain de jeux, avec Big Bad Wolves, on fait de même en s’appropriant la prémisse de la vengeance afin de la rendre sienne.

Ainsi, pour ceux qui pensaient connaître l’histoire du père qui décide de se venger de l’assassin-violeur de sa fille, ils auront à y penser par deux fois. Au même titre que The Cabin in the Woods venait carrément chambouler les codes préétablis par Evil Dead, Big Bad Wolves vient surprendre nos méninges afin d’offrir bien plus qu’une variation de Les Sept jours du Talion et tous ses semblables.

D’ailleurs, le titre ne provient pas d’un hasard puisqu’il s’inspire sans mal du conte Le Petit Chaperon rouge, sublime métaphore du viol encore aujourd’hui inégalée, montrant la sagesse des cinéastes, tous deux bien conscients que leur histoire ne réinvente pas la roue. La différence, toutefois, c’est qu’ils savent pertinemment que ce qui fait réellement toute la spécificité et l’unicité d’une œuvre, c’est la façon de s’y prendre, dans ce cas-ci, la raconter et la présenter, et c’est de cette manière qu’ils viennent étaler une maîtrise sidérante de la mise en scène, certes, mais également des codes cinématographiques.

Il faut donc se laisser envoûter par le générique d’ouverture, ponctué par les somptueuses mélodies orchestrales composées par Haim Frank Ilfman et interprétées par l’Orchestre Métropolitain de Londres, et se délecter de la finesse des plans dévoilés par tranches de ralentis, pour ensuite tomber dans un univers rempli de raccourcis inattendus. Jouant avec brio la carte des chassés-croisés, on se laisse manipuler par différents détours et destins parallèles, qui redonnent un sens nouveau à l’inépuisable trio du bon, de la brute et du truand.

Avec un humour impressionnant et fort efficace, on laisse ses solides protagonistes croiser une foule de personnages tous plus colorés les uns que les autres, de la famille aux amis, jusqu’aux collègues de bureaux et même un inconnu à dos de cheval. Il faut y savourer les tournures des dialogues et le sens du rythme de l’ensemble qui favorisent sans mal le désir volontaire d’alléger  les thèmes et propos sombres de l’œuvre.

Certes, le sujet étant plus sérieux, les cinéphiles n’ont pas eu les mêmes réactions que lors de la projection de Rabies où rires, délires et cris fusaient du début jusqu’à la toute fin. Malgré tout, les réactions étaient des plus positives et la belle ovation à la toute fin a certainement confirmé l’appréciation globale qu’on nous avait jusqu’alors promise. Rappelons que le film avait démarré un beau raz-de-marée d’éloges suite à sa présentation au festival de Tribeca.

Malgré une finale qui arrive trop vite, car le film se savoure beaucoup trop aisément, et ce, malgré les moments de tortures plus sensibles, on ne pourra mentir face au désir d’en avoir espéré plus. Plus, puisque le film n’offre aucune réelle conclusion, nous laissant littéralement dans le feu de l’action et des révélations. C’est donc sous le choc et particulièrement épaté par l’ensemble qu’on demeure rivé devant l’écran, en admiration devant tout le talent, autant des cinéastes que des excellents comédiens, que de tous ceux derrière la caméra. Décidément, la carrière de Keshales et Papushado ne pourrait être plus prometteuse.

En Amérique du Nord, Big Bad Wolves a l’honneur d’avoir été acquis par le distributeur Magnet Releasing, une branche de Magnolia Pictures, qui fait souvent affaire avec Mongrel au Canada. Surveillez avec attention une sortie en DVD prochaine, car c’est certainement un film que vous ne voulez pas rater.

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