«Les Coleman-Millaire-Fortin-Campbell» au Théâtre Denise-Pelletier – Bible urbaine

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«Les Coleman-Millaire-Fortin-Campbell» au Théâtre Denise-Pelletier

«Les Coleman-Millaire-Fortin-Campbell» au Théâtre Denise-Pelletier

Une notion d'étouffement qui nous apparaît évasive

Publié le 24 janvier 2019 par Alexandre Provencher

Crédit photo : Marie-Andrée Lemire

Dans l’intimité de la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, on est convié, jusqu’au 9 février, à plonger dans l’univers du dramaturge Claudio Tolcachir. La mise en scène, efficace et ingénieuse, est signée par Louis-Karl Tremblay, tandis que la traduction et l’adaptation sont de Catherine Beauchemin.

La pièce de Tolcachir prend appui dans le malaise social et économique profond que vit l’Argentine depuis quelques décennies. Ce pays blessé par l’oppression de la junte militaire, puis par les crises économiques récentes, est en redéfinition. Les créateurs argentins sont parties prenantes de ces changements et décrivent, à leur manière, les mutations sociales qui s’y opèrent.

C’est dans cette optique que, faute de budget et de lieu de diffusion, Claudio Tolcachir a présenté la pièce La Omision de la familia Coleman dans son salon devant une poignée de spectateurs qui s’y rendaient chaque soir.

La pièce a déjà été traduite et adaptée dans plusieurs langues et jouée dans plusieurs pays. Elle a été couronnée de nombreux prix.

Mais qu’en est-il de la pièce? Eh bien, elle renvoie à cette proximité, aux discussions qui animent les familles lors de soupers ou de fêtes, et à l’importance d’avoir des repères et des piliers. De ce fait, vous comprendrez qu’on est invité à percer le mystère d’une famille dysfonctionnelle l’espace d’un instant. Cette famille, elle en arrache. Sous un même toit vivent Mamie, l’aïeule et seule véritable adulte de la maisonnée, Loulou, la mère disjonctée, David et Gabi, les jumeaux, et Mario, le fils problématique.. Il y a aussi cette fille aînée, Véro, qui est trop bien pour la famille…

Ils se chamaillent, s’engueulent, se boudent, s’aiment. Ils vivent et cohabitent, faisant fi des conventions et de leur pauvreté. Loulou et Mario sont, comme on le dit dans la pièce, immatures. Mais la réalité, c’est qu’ils sont atteints d’une maladie mentale. Ainsi, seule la grand-mère maintient en simili cohésion cette famille qui vit dans l’inquiétude constante de la voir mourir.

Dans un texte drôle, grinçant et fluide, Tolcachir démontre l’étouffement des familles et amène à réfléchir sur cette cohabitation forcée, aussi familiale que sociale.

Il manque pourtant un je-ne-sais-quoi à cette pièce. S’agit-il de l’adaptation? Je ne saurais vous dire. Mais dans ce moment intense de théâtre, on est plus que stimulé, ce qui nous empêche de mieux comprendre les personnages et de les apprécier. Leur univers et leurs crises intérieures ne sont qu’effleurés, et cette notion d’étouffement, tant chère à l’auteur, m’apparaît évasive. La chute de la pièce est abrupte et on reste malheureusement sur notre faim.

On ne peut passer sous silence l’ingénieuse mise en scène de Louis-Karl Tremblay. En effet, nous sommes accueillis dans une salle à la configuration chaleureuse où trônent un mur incliné et quelques chaises. La scénographie est particulièrement réussie. On sent l’esthétisme et le souci du détail du metteur en scène. Sa direction d’acteur est d’ailleurs irréprochable. Ces derniers occupent pleinement l’espace scénique et se donnent corps et âme dans un jeu parfois très athlétique!

Le jeu de Simon Landry-Désy, par exemple, ne laisse personne indifférent. Il réussit à rendre son personnage attachant, alors qu’on ne s’y attendrait pas. Il réussit à nous émouvoir, alors qu’on éprouve une aversion envers Mario. Et il vole littéralement la vedette! Soulignons aussi le jeu de Louise Cardinal, dans le rôle de Loulou. Quelle mère épouvantable et quel personnage fabuleux à interpréter! Son désespoir, à la fin de la pièce, vient nous chercher.

Malgré quelques imperfections sur le plan de l’adaptation, il s’agit là d’une œuvre qui nous habite et qui nous fait réfléchir, plusieurs heures, voire plusieurs journées, après l’avoir applaudie.

La pièce «Les Coleman-Millaire-Fortin-Campbell» en images

Par Marie-Andrée Lemire

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