CinémaZoom sur un classique
Crédit photo : Image provenant de l'oeuvre «Cléo de 5 à 7», réalisée par Agnès Varda
De 17 h à 19 h, Cléo erre dans Paris dans l’attente d’un résultat (potentiellement grave) d’un test médical. Croyant qu’elle a un cancer, elle déambule et rencontre plusieurs personnes qu’elle connaît. À la toute fin du récit, elle rencontre Antoine. Celui-ci est un militaire de la guerre d’Algérie. Ils discutent et Antoine accompagne Cléo chez son médecin. En échange, Cléo doit se rendre avec Antoine au train, où il reprendra la route vers l’Algérie. Le médecin de Cléo lui informe qu’elle devrait avoir une chimiothérapie, mais qu’elle sera complètement guérie après deux mois.
Bien que le scénario soit très simple (l’errance de Cléo dans les grands lieux parisiens), il regorge de plusieurs éléments qui ajoutent une grande profondeur à l’œuvre. Il y a un discours engagé envers la guerre qui vrombit à ce moment dans le territoire algérien. Antoine raconte à Cléo qu’il a très peur et que les hommes là-bas meurent pour rien. À un autre moment, Cléo est en voiture et un animateur de radio parle de cette guerre. Et quelques secondes plus tard, elle annonce qu’elle ne se sent pas très bien.
La Nouvelle Vague (de cinéastes)
Si les œuvres de Jean-Luc Godard, François Truffaut et Alain Resnais sont les images fortes du célèbre mouvement français, il n’en demeure pas moins que plusieurs cinéastes sont dans l’ombre lors de l’émergence de la Nouvelle Vague. C’est le cas pour Cléo de 5 à 7, qui s’inscrit aussi dans ce mouvement.
La déambulation de son personnage en temps réel (de 5 heures à 7 heures) propose un sujet (et un traitement) particulier qui diffère des productions de l’époque. Le Feu follet de Louis Malle, qui sortira en 1963, suit un personnage dépressif qui erre à son tour dans les rues de la grande métropole française. Ces productions possèdent des personnages contemporains auxquels les jeunes adultes sauront s’attacher et comprendre.
À Paris, la Nouvelle Vague se divise en deux groupes de créateurs: d’abord, ceux qui viennent du monde des critiques de cinéma (Godard, Truffaut et Rivette, notamment), puis ceux qui viennent de l’univers des courts-métrages (Varda, Demy, Resnais et Rouch, par exemple). Ces derniers appartiennent à la rive gauche, tandis que les autres figurent plutôt dans l’imaginaire de la rive droite.
Ces expressions sont présentes afin de noter les différences sociologiques et politiques entre les deux groupes. Il faut cependant noter que tous ces réalisateurs sont amis et collaborateurs. Agnès Varda deviendra une très bonne amie de Jean-Luc Godard, et Demy deviendra son mari. Godard et Anna Karina, son ancienne compagne, figurent tous les deux dans Cléo de 5 à 7.
De la fiction au documentaire
Agnès Varda ne cesse d’étonner. Bien qu’elle ait fait plusieurs oeuvres de fictions, ce sont surtout des productions documentaires qui dominent ses dernières années de labeur. En 2000, elle crée son célèbre Les Glaneurs et la Glaneuse, qui offre une réflexion sur la surconsommation et le gaspillage. Les témoignages des participants sont touchants, mais l’oeuvre est toujours empreinte d’une touche très personnelle. Elle se met elle-même en scène à de nombreuses reprises, filmant ce que bon lui semble.
Huit années plus tard, elle signe un autre documentaire: Les Plages d’Agnès, production dédiée entièrement à sa vie. Cet autoportrait évoque toutes les facettes de sa vie, allant de ses débuts au cinéma jusqu’à la rencontre (et la mort) de son mari Jacques Demy. Cette oeuvre lui aura valu le César du meilleur documentaire.
Âgée alors de 89 ans, Varda réalise son dernier film à ce jour, cette fois-ci en compagnie de JR, célèbre artiste visuel français. Il s’agit de Visages, Villages, qui s’est mérité une nomination dans la catégorie du Meilleur documentaire aux Oscars et une présence en Sélection officielle (hors compétition) au prestigieux Festival de Cannes. Fidèle à elle-même, Varda impose son style et sa personnalité tout au long du film. JR l’accompagne et crée des oeuvres plus grandes que nature, mais c’est définitivement Varda qui donne l’âme au film.
Agnès Varda est une réalisatrice hors pair qui aura marqué l’imaginaire de plusieurs cinéphiles et le cinéma documentaire avec sa touche très personnelle et charmante. Cléo de 5 à 7 est un portrait de la France des années 1960 qui apporte une touche de fraîcheur à ce sujet pas nécessairement joyeux. Ce n’est pas pour rien que Varda a reçu, en 2015, une Palme d’honneur (remise pour la première fois à une femme), et en 2018 un Oscar d’honneur.
Son apport au cinéma – français et mondial – est incontestable.
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«Cléo de 5 à 7» d'Agnès Varda en images
Par Images tirées de l'oeuvre d'Agnès Varda