LittératureRomans québécois
Crédit photo : Québec Amérique (www.quebec-amerique.com)
Dès la première nouvelle, il se dégage, de la plume de Stéphanie Boulay, une finesse qui, on le découvre, sied parfaitement bien au genre de l’horreur. Au fil des quinze pépites, c’est ce qui nous marquera: l’élégance dans la cruauté, la finesse des atmosphères et la très haute tenue de cette lecture de circonstance. C’est là où la proposition devient intéressante.
Alors que le genre de l’horreur est généralement relégué aux oubliettes de la paralittérature, ici, on reste souvent pantois devant «l’horriblissime» qui se dévoile sous nos yeux, mais aussi et surtout devant la très grande beauté des textes. La littérature parvient même à faire oublier l’innommable.
Dans ce terrain de jeu qui leur a été offert, les auteures ont plongé dans des thèmes que leurs contreparties masculines laissent souvent de côté et elles sont allées vers des thèmes peu fréquentés par les auteurs masculins contemporains de ce registre: maternité, corporalité et sexualités féminines, poésie (hé oui!), pour n’en nommer que quelques-uns.
Avec une portée souvent très profonde, et des prolongements symboliques forts, les nouvelles nous font frémir autant que réfléchir, et notre lecture tangue entre le divertissement et la réflexion.
Il est difficile de parler dans le détail des quinze nouvelles sans «vendre de punch», mais toutes proposent des textures particulières, des couleurs et des ambiances bien uniques à chacune des participantes au projet.
Que ce soit cet humour subtil et un peu grinçant chez Marie Demers, l’envolée fiévreuse au titre poétique de Fanny Bloom, le rythme chaloupant de Mélikah Abdelmoumen, ou la précision douloureusement chirurgicale de Fanie Demeule et Marie-Hélène Larochelle. Il est cruel (pour rester dans le ton) de ne nommer que ces dernières au détriment des dix autres qui ne sont pas en reste.
La couverture donne l’heure juste, cette giclée d’hémoglobine qui s’éclate dans l’eau, comme ces quinze écrivaines ont su s’éclater dans ce cadre inédit, probablement du jamais vu dans aucune langue.
Une belle trouvaille, donc, dirigée par un Stéphane Dompierre alerte qui a su pondérer les horreurs de l’une avec la poésie de l’autre pour que le lecteur malmené (avec joie) puisse arriver jusqu’au fulgurant quasi «flux de conscience» (stream of consciousness) de Catherine Côté en point d’orgue de l’ensemble.
Que l’on aime l’horreur ou la littérature de haute tenue, ou les deux… On a l’envie de se lever et d’applaudir en se disant que ce recueil fera peut-être un jour une fabuleuse lecture mise en scène. Avis aux intéressés!