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Crédit photo : Marie-Andrée Lemire
Des soliloques: voilà ce que James Hyndman a décidé d’aborder comme forme littéraire. Cette façon de parler à l’autre comme pour réfléchir à voix haute, pour se parler à soi, pour s’avouer des trucs à soi-même – mais aussi, par la bande, aux autres. Cette manière d’essayer de créer un lien, tout en gardant néanmoins une distance en même temps, parce qu’on parle sans écouter, mais on dit, on dit beaucoup, même plus qu’on voudrait ou qu’on aurait pensé dire. La définition du Petit Robert de la langue française a beau ne pas se rendre aussi loin dans sa définition de «soliloque», c’est pourtant bien ce qu’on a senti vendredi soir en recevant les différents tableaux qui composent Océans.
Ni tout à fait roman ni tout à fait poésie, la toute première œuvre de James Hyndman semble si difficile à catégoriser qu’on la décrit comme un «livre». Qu’à cela ne tienne, cela ne lui enlève rien de la richesse de son écriture et de l’habileté du comédien à manier les mots. Si certains textes sont plus anodins, d’autres apparaissent plus étoffés, avec de profondes réflexions. On sent que Hyndman a exploré dans la forme et le style, s’emportant avec rage comme s’amusant avec les silences, l’attente et l’hésitation.
Les textes sont plutôt courts, mais ils disent beaucoup. Le flot de paroles nous assaille et on peine parfois à reprendre notre souffle devant la densité des textes et l’intensité avec laquelle les paroles nous sont transmises. Heureusement, vendredi soir, les envolées au piano de Laurier Rajotte permettaient quelques moments de répit pour mieux accueillir les propos, mais on sent malgré tout à la sortie de la salle un besoin de se replonger dans le livre et de lire soi-même les différents tableaux, car le débit et l’ardeur, la passion avec laquelle certains textes étaient livrés ne nous permettait pas d’apprécier toutes les subtilités et toute leur complexité.
Car bien sûr, il s’agissait d’une lecture, texte à la main, mais quand on met sur scène Evelyne de la Chenelière et James Hyndman, deux comédiens de grand talent, il est évident qu’il ne s’agira pas d’une récitation très formelle.
Leur façon très investie de livrer les textes nous ont bien fait sentir les différents personnages imaginés par Hyndman. Toutefois, on déplore presque cette distance créée par la forme du soliloque, en sachant la belle complicité qui lie les deux artistes, complices sur de nombreux projets.
On apprécie toutefois la diversité de sujets abordés, bien que l’amour soit prédominant dans les divers tableaux (sous différents angles, vus par différents regards). Les malaises, les non-dits, les difficultés dans les relations (incompréhensions liées au langage ou à un geste) ont aussi meublé les douze textes, dont l’un concernant un malaise relatif à une bise entre deux personnes qui ne se connaissaient peut-être pas suffisamment pour poser ce geste intime demeure l’un des plus marquants.
Trois figures connues ont aussi été utilisées pour aborder certains sujets plus particuliers, comme l’éloge du cul (grâce à Georges Simenon), la vérité des sentiments (Ingmar Bergman) ainsi que le vrai amour et le respect (Mohammed Ali), marquant une intéressante gradation dans le traitement de certaines thématiques.
Au final, malgré la diversité des voix et des sujets, et bien que certains passages soient plus forts que d’autres, certaines idées véhiculées nous reviennent comme un ressac d’un tableau à l’autre, mais il fait tout de même bon de se laisser tanguer et de contempler avec Hyndman la vaste étendue des possibilités de son Océans.
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Par Marie-Andrée Lemire
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