«Réversible» au Carrefour international de théâtre de Québec

Le public du Carrefour international de théâtre a renoué avec Les 7 doigts de la main, un collectif formé en 2002 par autant d’artistes de cirque. Gipsy Snider, la metteure en scène de Réversible, comptait alors parmi les sept cofondateurs.

«Ambassadeurs de la diversité», Les 7 doigts multiplient les projets et collaborations à travers le monde auprès de vastes publics. Celui du Carrefour a, quant à lui, bénéficié de l’intimité du foyer du Théâtre La Bordée. Les artistes étaient à même de percevoir les tressaillements d’un auditoire ébahi devant les contorsions auxquelles ils astreignaient leur corps.

Une exploration de la mémoire

Snider avait également signé la mise en scène du spectacle «Traces», qui figurait sur la programmation du Carrefour, en 2006. Pour Réversible, elle a rallié autant d’hommes que de femmes au sein de la distribution. Cette décision aurait été prise dans le dessein «d’équilibrer les énergies», a-t-on révélé lors d’une discussion qui a suivi la représentation vendredi soir.

Lors d’une première rencontre en février 2016, elle a invité les interprètes à s’interroger sur ce que faisaient leurs grands-parents lorsqu’ils avaient leur âge. À partir de cette prémisse, les jeunes artistes se sont prêtés à un véritable exercice d’excavation, forant dans leur mémoire respective pour y débusquer quelques trésors de souvenirs.

Des numéros variés faisant intervenir plusieurs techniques

Au terme du processus de création qui s’est échelonné sur environ quatre mois, chacun des huit interprètes est parvenu à façonner un morceau bien à soi, s’inspirant librement du vécu de ses aïeux. Certains numéros ne reposaient que sur les mouvements, les interprètes transcendant allègrement les limites que la nature impartit au corps de la majorité d’entre nous.

D’autres ont également évoqué le vécu de leurs grands parents par le truchement de quelques mots. Certains passages plus intimes demeurent en espagnol, en français et en anglais, peu importe le pays où se tient la représentation, tandis que d’autres sont traduits en fonction de celui-ci.

En outre, le spectacle faisait intervenir de nombreuses techniques, notamment le tissu, la jonglerie, la danse, la contorsion, le hula hoop, le mât, les anneaux chinois et la planche coréenne. Quant à la partition musicale, elle sillonne un vaste océan sonore, abordant les rives de registres diversifiés: électro, musique tsigane, chanson française, tango (entre autres). On discerne le timbre de certains instruments en particulier, notamment l’accordéon dont l’utilisation, si elle semble incontournable dans un spectacle de cirque, ne verse pas dans l’excès. Pour entendre la trame musicale du spectacle sur Bandcamp, franchement superbe, c’est ici: www.les7doigts.bandcamp.com/reversible.

Une œuvre sensible qui tend vers le sublime

Les interprètes semblent d’autant plus investis dans leur numéro qu’ils vouent un immense respect à la mémoire des proches dont ils se sont inspirés. Cette déférence envers le souvenir de leurs aïeux contribue sans conteste à ce que le processus de création ait résulté en une œuvre aussi sensible.

Les numéros demeurent parfois très évasifs dans leur évocation des souvenirs relatés par les interprètes. En revanche, leur corps – virtuose, suggestif, frémissant, poétique – communique efficacement les émotions dont semblent chargés les souvenirs en question.

Réversible a le potentiel de plaire autant à un auditoire moins averti, plus impressionnable, qu’aux férus de l’art circassien. Ces derniers repèreront non seulement la signature des 7 doigts de la main dans le spectacle, mais une foncière originalité caractéristique du véritable cirque d’auteur.