«Halfbreadtechnique» de Martin Schick au Carrefour international de théâtre – Bible urbaine

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«Halfbreadtechnique» de Martin Schick au Carrefour international de théâtre

«Halfbreadtechnique» de Martin Schick au Carrefour international de théâtre

L'aspect absurde que peuvent prendre le don et notre générosité

Publié le 24 mai 2018 par Maude Rodrigue

Crédit photo : HNC Agency

Mardi soir, Halfbreadtechnique a inauguré le Carrefour international de théâtre de Québec. L’artiste suisse Martin Schick, faisant montre d'une prodigieuse générosité, a mis le public en appétit pour la suite du Carrefour. La programmation de cette 19e édition est d'ailleurs fort relevée.

Le charme de Martin Schick opère dès les premiers instants: casquette de guingois, voile de timidité, sourire de biais, regard braqué sur les fiches qu’il tient dans ses mains. À première vue, d’aucuns présument que l’artiste affectant une telle désinvolture ne prend pas les choses au sérieux. Or, il convie le public à une réflexion essentielle, l’amenant à constater combien certains principes, lorsque respectés d’une manière rigide, se révèlent absurdes. 

L’art assujetti aux logiques de notre économie

D’entrée de jeu, l’artiste partage quelques réflexions sur la rémunération des artistes, relativisant les bénéfices réellement générés par un spectacle à l’aune des coûts qui y sont associés.

Puis, Schick plaque les logiques du post-capitalisme sur le contexte de la performance théâtrale. Il s’applique notamment à illustrer la technique du «halfbread». Celle-ci consiste à remettre la moitié de ce que l’on possède à quelqu’un qui en aurait davantage besoin que soi.

Martin Schick s’astreint candidement à cette logique: sous le regard interloqué des spectateurs-rices, ce qu’il possède se réduit ainsi comme peau de chagrin. Dans un premier temps, Schick concède la moitié de la scène à un danseur «issu d’un pays économiquement troublé», puis la moitié de la moitié de l’espace restant à une tierce personne, obéissant au principe jusqu’à ce qu’il ne puisse se muer lui-même qu’à l’intérieur d’un espace exigu.

Le performeur va jusqu’à transformer son «cachet en accessoire» de scène, versant la moitié de son salaire à un membre de l’assistance (puis la moitié de la moitié de son salaire restant à une deuxième personne; la moitié de la moitié de la moitié de son salaire à une troisième personne; …). Tout est assujetti à la logique du halfbread – même la dette que contracte Schick dont il concède la moitié à un spectateur.

Un spectacle immersif et minimaliste

Schick enjoint le public de devenir partie prenante de ses divagations, et de bénéficier conséquemment d’une partie de ses avoirs. Or, lorsqu’ils sont appliqués avec une telle rigueur, les principes de don et de générosité soulèvent certains questionnements, délogeant notre certitude quant à leur bien-fondé inaltérable.

Ainsi, le don, s’il consiste à remettre une part de son capital à autrui, génère en contrepartie un capital de sympathie considérable chez celui qui l’effectue. De plus, Halfbreadtechnique interpelle quant au financement de l’art, Schick pointant du doigt ses propres sponsors dont l’éthique est parfois discutable.

Le milieu de l’art, pour ainsi dire, est perméable aux logiques marchandes de notre société, bien qu’on le souhaiterait hermétique vis-à-vis celles-ci.

Halfbreadtechnique, s’inscrivant dans une série de spectacles à petit budget, la scénographie est minimaliste. Pour tout accessoire, Schick extirpe de son sac de toile quelques feuilles imprimées, de menus objets et, bien entendu, son cachet.

La performance d’une durée de moins d’une heure repose ainsi largement sur le charisme de l’artiste, dont on apprécie l’excellente compagnie et l’humour ironique.

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