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Crédit photo : Thomas Mazerolles
Fever Ray est une artiste caméléon. Depuis ses débuts, elle attire l’attention en s’enveloppant de mystère à l’aide de masques et d’une musique électro ténébreuse. The Knife, la fratrie créatrice qu’elle forme avec son frère Olof a été mise sur pause, au moment où elle a lancé, en 2009, son premier album solo. Huit ans plus tard, elle récidive avec Plunge, toujours porteur de sa signature sonore: une basse de synthés hypnotisante et des choeurs aigus déformés par l’auto-tune venant d’un autre monde.
Sur scène, on aurait dit des personnages d’un jeu vidéo post-apocalyptique. L’énigme demeure: impossible de savoir laquelle des «superhéroïnes» est Fever Ray si on ne l’a jamais vue en photo. Trio improbable, une poupée possédée, une culturiste et un casse-noisette se partagent l’avant de la scène. Trois autres musiciennes en costumes de latex et couronnes de fleurs complètent le groupe aux percussions et au clavier. Il n’y aucun doute, c’est la fête. Et elles se font plaisir.
La salle était étonnamment sage malgré l’énergie contagieuse du groupe, quand on se rappelle la décadence du dernier concert de The Knife à Montréal, qui avait tourné d’un cours d’aérobie aux allures d’une boîte de nuit. La scénographie était pourtant la même. Quelques bonnes envolées, notamment lors de l’entraînante «IDK About You» et «To the Moon and Back», ont tout de même réussi à délier les membres du public.
Sans le côté grandiose de The Knife, il y avait encore plus de place à donner aux références politiques du nouvel album. «This country makes it hard to fuck», scande-t-elle dans la chanson «This Country», le poing levé. Dreijner n’a pas déclaré publiquement son identité sexuelle, peut-être dans le but de protéger son jeune fils. Elle se positionne en revanche bien à l’extérieur de la sphère hétéronormative. Féministe, elle travaille exclusivement avec des femmes afin de combattre le sexisme ambiant qu’elle déplore dans l’industrie de la musique. Fever Ray priorise même les interviews avec les femmes journalistes qui sont aussi minoritaires parmi les critiques de musique.
Or, la sensualité des danses, les références au BDSM et les propos crus ne sont pas gratuits. L’artiste féminine ne s’offre pas au regard masculin, comme c’est souvent le cas sur la scène pop. On admire plutôt des femmes qui prennent contrôle de leur sexualité, qui embrassent l’ambiguïté de leur genre, le sourire aux lèvres. Les couleurs de l’arc-en-ciel LGBTQ irradient la salle à la toute fin du spectacle, question de finir de transmettre le message.
La chanteuse en a profité pour faire un clin d’oeil au Québec en concluant avec des versions épurées de «Keep the Streets Empty for Me et If I Had a Heart», que l’on peut entendre respectivement dans les films Les amours imaginaires et Laurence Anyways de Xavier Dolan. Plusieurs ont peut-être aussi reconnu la musique de Fever Ray dans des séries télé dramatiques comme Breaking Bad, Misfits et au générique d’ouverture de Vikings.
ll faut dire que Fever Ray a cette qualité de bien habiller le mauvais garçon énigmatique. Hier soir, elle a prouvé qu’elle sied aussi bien à toutes les «mauvaises filles» de ce monde.
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Par Thomas Mazerolles
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