ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Caroline Laberge
Le duo créatif a choisi trois jeunes comédiens d’envergure pour donner chair à ce huis clos fraternel à mi-chemin entre la folie poétique de Beckett et la sensibilité de Jean-Luc Lagarce. On y retrouve le très actif Maxime Denommée, déjà présent sur Les Muses, le puissant Alexandre Goyette, dont la palette de talents a été révélée en 2016 avec King Dave, et le tout jeune Félix-Antoine Duval, qui tient droit sa route vers les sommets.
Trois frères sont victimes d’un accident de la route le matin des noces du plus jeune. Ils reprennent connaissance dans une forêt dense, tout près d’une rivière sauvage, pieds nus comme des naufragés. Pris au piège dans un espace-temps indéfini, ils attendent des secours qui ne viendront pas.
Cela doit faire des années qu’ils ne se sont pas retrouvés tous les trois, forcés à passer du temps ensemble, à se parler. Entre eux c’est une histoire de non-communication, ou plutôt de mal-communication virile et fière. Comme souvent dans ces drames familiaux gavés de non-dits qui ont fait le théâtre des années 80 et 90, le mépris de la classe et le refus de la différence face au clan sont centraux.
Ils parlent mais ne se parlent pas. Ils ont chacun leur histoire à défendre, des choix à justifier, une personnalité à faire exister. Ils diront tout, se confieront les pires secrets, se jetteront les pires horreurs à la face avant de parler enfin du père, et de ce bout de forêt qu’ils ont tous les trois reconnu au premier instant. Le chemin des passes-dangereuses.
Si la pièce de Marc Michel Bouchard est à l’évidence intemporelle et universelle, bien qu’elle se situe sans ambigüité dans une certaine société québécoise, elle ne trouve malheureusement pas une seconde jeunesse dans cette mise en scène du Théâtre Duceppe. Et l’esthétique franchement datée de la scénographie y est sans doute pour quelque chose.
Évoluant sur des morceaux de bitume gris d’une route éventrée, les images en slow motion d’une forêt touffue projetées au lointain, les trois comédiens sont dirigés dans un drama post-contemporain comme on n’ose plus en faire depuis une quinzaine d’années. Bien que sonorisés, ils s’époumonent dès les premières minutes du spectacle, faisant grimper la tension bien trop haut, bien trop tôt.
La direction d’acteurs est sans aucun doute la plus grande faiblesse de cette production. Le potentiel scénique de la distribution est indéniable, et Félix-Antoine Duval, impressionnant de maturité, est indiscutablement la révélation de la soirée. En revanche, les corps, la gestuelle et la subtilité des traits de caractère qui séparent les personnages manquent cruellement d’exigence.
Les tirades face au public et sanglots fabriqués ne sont pas suffisants pour faire exister la profondeur du texte de Michel Marc Bouchard. La dramaturgie se traîne en surface, convenue et paresseuse, laissant de côté l’émotion. Et nous avec.
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Par Caroline Laberge
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