«Des Arbres» au Théâtre La Licorne dans une mise en scène de Benoît Vermeulen

Le texte sensible et d’une grande intelligence de Duncan Macmillan met en scène deux protagonistes, un couple qui parle d’avoir un enfant pendant une visite au IKEA où ils finiront par ne rien acheter. Lui (Maxime Denommée) veut se lancer dans l’aventure sans nécessairement l’avoir intellectualisée, pour le kick d’avoir un fils, et elle (Sophie Cadieux) tombe presque dans une crise d’angoisse devant la perspective. Étudiante au doctorat, elle est plutôt au fait de ce qui se passe dans le monde, et cette réalité implacable la fait paniquer.

Le rôle de la névrosée verbomotrice convient parfaitement à Sophie Cadieux, qui nous en offrait déjà une variation dans La fureur de ce que je pense de Marie Brassard, dont nous parlions en 2013 lors de sa création à l’ESPACE GO, puis à l’occasion de sa courte renaissance pendant le FTA cet été. Son cerveau tourne à toute vitesse, elle envisage avec effroi tous les scénarios catastrophiques, et son hystérie a bien souvent le premier mot lorsque vient le temps de réagir aux propos pas toujours cohérents de son conjoint.

Denommée, quant à lui, a le physique de l’emploi en personnifiant cet homme grand et beau, mais pas particulièrement brillant, qui avoue ouvertement ne rien comprendre aux lectures de sa copine, mais qui fait preuve de bonne foi pour essayer de décoder et d’endurer ses multiples sautes d’humeur. Un gars un peu mou, qui s’adapte à sa «blonde du moment», et qui laisse sa personnalité au second plan.

Le texte de Macmillan ratisse large et pose beaucoup de questions, aussi valables que fascinantes. Est-ce que la reproduction devrait être réservée aux gens d’une certaine intelligence? Aux gens plus sensibles aux enjeux sociaux? Font-ils de meilleurs parents? Que signifie être une «bonne personne»? Quel est le poids social d’une personne et comment mesurer si on vaut mieux qu’une autre?

Ces préoccupations élitistes qui frôlent parfois le fascisme reviennent à quelques reprises dans la pièce, nous faisant questionner notre propre opinion de nous-même.

La mise en scène très sobre de Benoît Vermeulen est particulièrement inventive au niveau des transitions temporelles, qui arrivent majoritairement sans crier gare, sans toutefois confondre le spectateur.

Et chacun saura retrouver une parcelle de lui-même dans cette dynamique de couple, face à deux individus à la fois attachants et horripilants, avec leurs qualités et leurs défauts, qui tentent maladroitement de mesurer le poids social de l’une des décision les plus significatives d’une vie d’adulte.