LittératurePolars et romans policiers
Crédit photo : Albin Michel
C’est reparti, certes, pour une nouvelle aventure du Tueur à la Mercedes, et d’entrée de jeu on sent davantage qu’avec Carnets noirs – lequel se compare davantage à un succulent intermède – que ce Fin de ronde, paru chez Albin Michel, est bien la suite logique de Mr. Mercedes. Sauf qu’au fil des pages, on sent que Stephen King a dû faire preuve d’audace pour aboutir de ce nouveau-né dont on aurait certainement pu se passer étant donné l’absence de réels frissons de plaisir. En vérité, on sent l’auteur aussi fatigué mentalement que son Kermit Bill Hodges l’est physiquement, et la conclusion, aussi triste soit-elle, est terriblement prévisible. Désolé de vous décevoir.
Nouveau roman destiné surtout aux admirateurs de King, Fin de ronde peut certes être vu comme un clin d’œil à Ur, une nouvelle où le Kindle était à l’honneur dans Le bazar des mauvais rêves, puisque l’auteur, qui souffle cette année sur ses 69 ans, y incorpore à nouveau sa soif (ou plutôt sa curiosité de papi face aux nouvelles technologies). Et c’est d’ailleurs par le biais d’une bébelle qui ressemble en tous points à une Game Boy que Brady Hartsfield va répandre le mal en «hypnotisant» ces victimes à l’aide d’une Zappit, pour ensuite se glisser dans leur peau et s’activer en eux. Tiré par les cheveux? À qui le dites-vous!
Vous l’aurez compris, il faudra un temps pour que Bill Hodges et Holly Gibney – qui doivent vivre sans l’ami Jérôme, parti en Arizona pour construire des maisons – saisissent le petit jeu diabolique de Hartsfield, lequel continue de «jouer au légume» dans sa chambre des traumatisés du cerveau. Sauf que l’envie de sortir est de plus en plus dérangeante, et il commence à envoyer des signes aux infirmières qui eux ne mentent pas. Mais que voulez-vous: il a été solidement assommé dans le premier tome avant même de faire sauter un amphithéâtre lors d’un concert des ‘Round Here…
Voyez-vous, c’est ici que le bât blesse, car la motivation de tuer de Brady Hartfield n’a pas réellement de raison d’être. Certes, sa situation familiale n’était pas des plus enviables – on s‘entend qu’embrasser et tripoter sa mère néanmoins sexy, c’est louche et étrangement inquiétant – mais le pauvre timbré a bien digéré sa drôle de situation en empoisonnant avec du poison à rats celle qui lui a donné la vie. En résumé, l’affaire du Tueur à la Mercedes aurait tout aussi bien pu s’achever alors que Hartfield s’est retrouvé interné à la fin de Mr. Mercedes, nul besoin d’étirer et d’épaissir la sauce avec une histoire carrément improbable, M. King.
Fidèle à son habitude, et parce qu’il a le coffre de l’écrivain émérite qui a de l’expérience à revendre, Stephen King maîtrise fort bien les codes du roman d’aventures et du thriller haletant, multipliant les histoires en parallèle et les chapitres qui se terminent sur un mystère, afin de bien laisser planer le suspense au fil des pages. Sauf que ce qu’il manque à ce Fin de ronde pour être une fin digne de ce titre, c’est une conclusion follement théâtrale qui nous aurait laissés sans mot à la toute dernière page.
Là, notre sensation présente, c’est de replonger dans les «belles années» et de relire Shining, Misery, Cujo ou Bazaar (et tellement plus encore).
L'avis
de la rédaction