«Dans la peau de...» MANNY – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» MANNY

«Dans la peau de…» MANNY

Le photographe montréalais anonyme

Publié le 7 avril 2017 par Charlène Blanchette

Crédit photo : MANNY

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Cette semaine, nous avons interviewé le Montréalais MANNY, lequel se considère comme un photographe anonyme et grand passionné des artistes.

1. Une petite visite sur ton site web nous permet de constater que tu te décris comme le «photographe anonyme montréalais». En quoi l’utilisation d’un surnom te permet de promouvoir ton art et comment souhaitais-tu te distinguer avec celui-ci? 

«Mon anonymat et mon nom d’artiste MANNY sont des moyens que j’ai trouvés pour créer une division nette entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle, entre ma personne et mon projet, entre mon identité personnelle et mon identité digitale des réseaux sociaux.»

«En fait, je suis quelqu’un de plutôt introverti. Je garde beaucoup de choses pour moi; mes impressions, mes opinions, voire mon histoire. Cela me permet d’être extrêmement focus sur ce que j’entreprends, d’avoir un sens logique bien développé, et d’être une personne plutôt réfléchie.»

«Mais cela a aussi comme conséquence de me rendre toujours un peu distant; je suis toujours dans ma tête, dans ma bulle, même dans les moments d’interactions sociales. Alors, le fait que les gens ne me reconnaissent pas en tout temps me permet de me perdre dans mes idées ou d’être en retrait, même dans un événement social, sans être dérangé et sans paraitre antisocial.»

«Maintenant, comment cela affecte mon art?  Je dirais que l’anonymat laisse le travail parler par lui-même et me permet d’attirer l’attention des gens sur mon travail plutôt que sur moi. Involontairement, ça devient un peu du marketing. Les gens étant curieux de nature, ils aiment le mystère autour du personnage et aiment s’imaginer des histoires pour répondre aux questionnements qu’ils ont, car au final, ils veulent en savoir plus sur la personne derrière MANNY.»

2. Y a-t-il un thème récurrent qui t’inspire dans tes photos, au niveau du style ou des couleurs?

«Le documentaire. Ce que j’aime réellement le plus de la photo, c’est de rencontrer des gens, les suivre, vivre des expériences et documenter le tout. J’avance dans la vie avec mes feelings, mes guts, et j’aime qu’on le ressente dans mes photos. D’ailleurs, je n’aime ne pas trop retoucher mes photos. Je veux garder le raw des gens et des évènements que je croise pour garder une certaine vérité.»

«Plus récemment, ce goût du documentaire se reflète dans mon esthétique par le choix de mes outils de création. Je me suis mis à faire beaucoup de photos en argentique avec ma Canon T70, et j’ai aussi acheté deux caméras vidéo, une vieille Hitachi pour filmer sur cassette 8mm et une Sony Handycam pour filmer sur cassette MiniDV.»

«J’ai dû dépenser pour 1000 $ en pellicules, en chargeurs et en batteries discontinues, en cassettes MiniDV et 8mm, etc., et tout ça pour créer cette vibe d’archive documentaire.»

«C’est d’ailleurs un peu dans cette optique que je suis récemment parti en tournée avec le groupe de rap québécois Dead Obies. Je suis en France avec eux afin de documenter le processus créatif du groupe, les up and down d’être six artistes dans un même projet, et les efforts de ces jeunes tentant de percer un nouveau marché. Tout ceci est vraiment fascinant!»

3. As-tu une photo préférée parmi toutes tes œuvres et qu’est-ce qui fait que c’est celle qui t’est le plus chère? Bien sûr, on veut la voir!

«J’ai une photo en tête oui, mais ce n’est pas tellement parce qu’elle est une de mes préférées, c’est seulement que je la considère comme étant un point tournant dans mon cheminement. Il s’agit d’une photo du Stade olympique, dans toute sa solitude, que j’avais prise du haut des airs, dans un avion Cessna 2 places en 2014.»

«Cette photo fut ensuite reprise des dizaines et des dizaines de fois par les blogues montréalais, et à l’époque, c’est ce qui avait mis MANNY sur la carte. La photo allait aussi être le début de plusieurs autres séries aériennes exécutées par la suite, dû au succès de la première série. Cela est devenu une signature pour MANNY.»

Stade Olympique

4. Tu es aujourd’hui photographe à temps plein et tu travailles également avec l’agence de marketing Republik. Tu avais d’ailleurs débuté des études en communication il y a quelques années. Quel était ton but à ce moment-là et quelle est ton opinion sur « avoir un plan B » dans une vision de carrière artistique?

«Lors de mes études, je suivais un chemin sans me poser de question, je n’étais pas “éveillé”, je ne comprenais pas qu’on pouvait faire les choses autrement. Je me suis rendu jusqu’à une 2e année d’études universitaires avant de me rendre compte que ce n’était pas grâce à mes études que j’allais réussir, mais plutôt grâce à mes contacts et ma motivation.»

«Lorsque le déclic se fit, j’ai complètement changé ma vie de direction. J’ai quitté mes études, je suis parti explorer un peu l’Europe et j’ai essayé de me trouver à travers tout cela. À mon retour, c’était le début de la mise en place d’un plan et de le mettre à exécution pour arriver à vivre de la photo.»

«En respectant les étapes, j’ai pu ramasser mon argent, m’acheter du bon équipement, quitter mon emploi, et me voilà travailleur autonome depuis maintenant trois ans.»

«Et en ce qui concerne le plan B, j’avais croisé un artiste que je respectais beaucoup, et il m’avait dit que c’est en n’ayant aucun plan B que j’allais travailler assez fort pour que le plan A réussisse, parce que je n’aurais pas le droit d’abandonner. Je trouvais que ce conseil avait du sens pour moi. Je l’ai mis en pratique, et ça m’a bien servi.»

5. Tu baignes dans un environnement très artistique et musical, et tu sembles être le préféré des artistes de la relève ces temps-ci. Toi, c’est qui tes artistes préférés, ceux que tu voudrais photographier plus que tout?

«Je suis un gars de projets et de rencontres plus que tout, alors les gens que j’aimerais vraiment photographier seraient ceux avec qui j’aimerais bien aussi avoir des discussions. Les personnes derrière des projets musicaux comme Alt-J, Tame Impala,  Foo Fighters, Woodkid, Sam Gellaitry, The Weeknd, Diplo ou même Skrillex me fascinent toutes pour différentes raisons, que ce soit par leur cheminement professionnel, leur façon de voir le monde ou leur talent musical. Un peu hors de portée pour l’instant, j’en conviens, mais pensez à ceci: il y a trois ans, lorsque je quittais mon emploi, je rêvais de travailler avec les gens avec qui je travaille en ce moment. Selon moi, tout est possible.»

Pour consulter nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/Dans+la+peau+de…

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