ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Nicolas-Frank Vachon
S’ouvrant sur des extraits sonores réels provenant d’émissions radiophoniques où règnent les jugements à l’emporte-pièce, le dénigrement et l’injure, le spectacle travaillera, pièce par pièce, à faire contrepoids à tant de médiocrité. Faire contrepoids à défaut de faire taire. Portés par six comédiens et une musicienne chanteuse, les textes tirés de recueils d’une trentaine d’auteurs parlent d’amour et de beauté, de pays et de territoire, de dépossession mais aussi d’espoir.
Alors que certains spectacles comme ceux de Loui Maufette se présentent comme une célébration de la parole et de l’art, les textes qui composent Attentat ont été choisis pour leur pouvoir d’appel à l’insoumission. Par la voix de tous ces écrivains québécois, la troupe convie le spectateur à une réflexion sur l’état de notre société et à la résistance devant l’appel du vide médiatique et consumériste.
Le maillage entre ces plumes a été soigneusement ficelé et l’enchaînement se fait toujours sans heurts. La mise en scène s’appuie sur des trouvailles originales qui permettent de sortir des ornières du récital de poésie, mais s’autorise aussi quelques images symboliques et métaphoriques. Répandre de la neige et s’emmitoufler, quand on parle de notre pays, c’est normal, mais tenter de faire naître l’espoir en faisant le pied de grue à l’arrêt d’autobus, c’est un clin d’œil sympathique, et encore davantage quand on sait que certains textes ont une plume autochtone. L’immobilisme, pour beaucoup d’entre eux, est aussi vrai que le poteau.
Dans un pastiche de vox pop, la journaliste qui tient le micro reste hébétée par les réponses poétiques des passants. De faux spectateurs répondent à l’appel des comédiens sur scène. Une autre comédienne, enceinte, descend l’allée et monte sur scène pour qu’on chuchote de belles choses à son ventre exposé. Dans un geste qui rappelle celui des Femen, mais dos à la salle, les interprètes féminines se font peindre un message sur le corps.
Communication, plus qu’émotion
Il y a donc un parti pris: celui de l’environnement et des Autochtones, mais pas du plan Nord, celui du nationalisme et de la social-démocratie, mais pas du désengagement de l’État. Et d’une certaine façon, il est presque nécessaire pour le spectateur d’être déjà, en partant, d’accord avec ces positions.
Car lorsque Steve Gagnon balance ses «fuck you» bien tournés aux gens qui ne s’expriment pas, «qui ne se sentent pas concernés», pour ensuite les diriger vers certaines grandes gueules en les nommant, on comprend qu’en fait, ce qu’il faut, c’est prendre le même angle de tir que lui devant ce qui nous inquiète ou nous révolte.
Il y a aussi un désir très fort de rester ancré dans le présent. Pourtant, pour remédier aux maux et aux misères qui font rage dans l’époque actuelle, certains pourraient être tentés de se tourner vers le passé en cherchant des réponses dans ce qui s’est perdu au fil du temps, des batailles et des révolutions. Non seulement les textes colligés sont généralement récents (à quelques exceptions près, le plus ancien étant probablement celui d’Hubert Aquin), mais ils sont aussi interprétés avec aplomb et naturel, voire sur le ton de la conversation, de manière concrète et sans épanchement.
Nous ne sommes pas dans l’émotion, nous sommes dans la communication, la transmission de sens. Outre les trois interprètes déjà cités, la distribution sur scène est composée de Mykalle Bielinski au chant et à l’environnement sonore ainsi que des comédiens Alex Bergeron, Alexandrine Warren et Catherine-Amélie Côté.
L'événement en photos
Par Nicolas-Frank Vachon
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