«La femme comme champ de bataille» dans une mise en scène de Naeim Jebelli au MAI – Bible urbaine

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«La femme comme champ de bataille» dans une mise en scène de Naeim Jebelli au MAI

«La femme comme champ de bataille» dans une mise en scène de Naeim Jebelli au MAI

Horreur embryonnaire

Publié le 27 février 2017 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Hoopand Lashkari

La saison théâtrale en cours s’est beaucoup intéressée au corps de la femme et aux multiples horreurs potentielles qu’il peut subir (Une femme à Berlin à l'ESPACE GO, Le Sang de Michi au Prospero), et la thématique est d’actualité. Avec La femme comme champ de bataille, le dramaturge roumain Matei Visniec a voulu souligner l’horreur assimilée par deux femmes suite à la guerre de Bosnie; il a écrit en 1996 une pièce pour deux actrices qui est à la fois difficile, pleine d’espoir et indubitablement métaphorique.

Dora a été violée par cinq soldats et est traitée dans un hôpital pour victimes de trauma en Allemagne, dans lequel travaille Kate, une infirmière américaine en mission humanitaire. À partir des violentes vagues de flashbacks que subit la victime, les deux femmes construiront un dialogue psychologique et politique, nourri par la compassion de Kate, qui se révèlera elle aussi frappée par les atrocités de ce conflit atypique.

Présentée dans le cadre de Montréal en Lumière, la pièce propose une scénographie audacieuse, avec un immense écran sur lequel sont projetées des images pleines de symboles, appuyant le propos pendant les intermissions. Les femmes interprétées par Nora Guerch (Dora) et Marie-Ève de Courcy (Kate) ont une psychologie complexe et bien développée, et les deux actrices, fréquemment dévêtues, se donnent corps et âme à leur rôle.

Côté interprétation, rien à redire – on a droit à des émotions brutes, véhiculées de manière directe, qui sonnent vrai, et qui vont droit au plexus du spectateur.

Le sujet n’est toutefois pas facile – et on se rend compte à mi-chemin que les ambitions poétiques et symboliques de la mise en scène sont peut-être un peu démesurées. On comprend le désir de montrer et dénoncer les horreurs subies par les femmes en temps de guerre, mais une emphase particulière est mise sur la grossesse non désirée de Dora, alors qu’un dialogue morbide s’établit entre son fœtus et elle. Ces segments sont certes troublants, mais reviennent trop fréquemment, et durent un peu trop longtemps. Il en va de même d’une chorégraphie aquatique nous présentant les deux actrices nues, nageant en symbiose, qui semble s’éterniser vers la fin.

On trouve fort réussis les enregistrements en voix off qui narrent certains passages du journal de Kate, et les scènes où la souffrance de Dora, seule avec ses terreurs nocturnes, atteint son paroxysme. Le long intermède où les deux actrices personnifient deux ivrognes qui ont des critiques à adresser à presque toutes les ethnicités de la planète, pimenté de quelques extraits d’une excellente sélection de musique balkanique particulièrement entraînante, déborde d’inventivité et de dynamisme. On se prend à rêver que toute la pièce suive cette dynamique, car son propos global est terriblement pertinent et nécessaire. On en ressort quand même ébranlés, et admiratifs devant le tour de force accompli par les deux actrices.

Pour sa deuxième semaine à l’affiche, la pièce est présentée en français avec des sous-titres en farsi.

L'événement en photos

Par Hoopand Lashkari

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