«Montréel» d'Éric Gauthier: à vos risques et périls! – Bible urbaine

LittératureRomans québécois

«Montréel» d’Éric Gauthier: à vos risques et périls!

«Montréel» d’Éric Gauthier: à vos risques et périls!

Publié le 25 janvier 2012 par Éric Dumais

L’auteur québécois Éric Gauthier, après avoir fait paraître les romans La terre des pigeons (2002), Une fêlure au flanc du monde (2008) et Feu blanc (2009), revient en force avec Montréel, un pavé fantastique totalisant 600 pages, où golems, jaumors, spektres, conjureux, mages et êtres humains s’affrontent dans une lutte sans merci.

Montréel est une ville qui compte environ deux millions d’habitants. Elle s’apparente à Montréal, avec ses espaces verts, ses cafés, ses tavernes et ses boulevards achalandés, et, bien que l’action se déroule tantôt dans les quartiers Outremont ou Plateau-Mont-Royal, tantôt devant l’église Notre-Dame-des-Grâces, Montréel n’est pas pour autant la métropole telle qu’on la connaît aujourd’hui. Certains lieux ont été trafiqués, comme le quartier Rollin-Hochelaga, d’autres ont été carrément inventés, comme Saint-Basile. Toutefois, cette impression de déjà-vu, pour le lecteur, aide à l’instauration d’un récit fantastique raconté en trois points de vue narratifs – celui des protagonistes Clovis, Oscar et Léopold – qui, chacun à tour de rôle, tenteront de comprendre ce qui est à l’origine de ce que les Montréelois appellent la Disparition.

«Il y a un homme assis dans le fauteuil. Clovis n’arrive pas à bouger pour autant. Il voit l’homme affalé contre le bras du fauteuil, haletant, foudroyé par la souffrance, ou l’extase sinon. Il distingue les détails graduellement: le visage maigre couvert de sueur, les yeux vitreux derrière les cheveux détrempés – la seringue, plantée tel un drapeau au creux du bras replié. L’autre bras pend et deux doigts effleurent le sol. (…) Un souffle d’abord, lointain, un mince sifflement, puis quelques mots : Corinne… dis à Corinne que je regrette de l’avoir abandonnée… Dis-lui que c’est son oncle Wil qui m’a convaincu de la laisser partir. Faut pas qu’elle lui fasse confiance.»

La vie banale de Clovis Thériaud, concierge d’un immeuble à logements, est bouleversée le jour où il reçoit la visite inopinée de Raoul Saint-Martin, un ex-locataire décédé il y a 4 ans d’une surdose de drogue. Effrayé par l’apparition du fantôme, Clovis doit néanmoins se rendre à l’évidence: il n’y a pas que la pratique de la magie qui est courante à Montréel, les fantômes aussi existent. Clovis, aidé de son locataire et ami Léopold Sanschagrin, un mage d’expérience, va tenter par tous les moyens de mettre la main sur la jeune Corinne Lévi, une mage en devenir, afin de délivrer le message troublant laissé par son défunt père. Parallèlement à cette quête, un terrible évènement survient à Montréel et ébranle, par le fait même, tous les Montréelois: un pâté de maisons, locataires y compris, a entièrement disparu une nuit sans laisser de traces. Mais que se passe-t-il à Montréel? Quel(s) personnage(s) fantasque(s) et grossier(s) a eu l’idée tordue d’effacer de la carte une zone complète? Et surtout, pour quel motif?

Si Éric Gauthier possède une qualité, c’est bien celle d’être un excellent conteur. Il est vrai, l’entrée dans son monde fantastique, situé à la frontière du réel, n’a pas été de tout repos – prenons ici les cinquante premières pages – mais plus les évènements prennent vie, et plus l’attachement aux personnages est tangible. Conter cette histoire en plus de 600 pages est un exercice digne de mention, quoique l’auteur aurait facilement pu l’écourter d’une centaine de pages, à cause des multiples longueurs qui ralentissent le rythme effréné des péripéties. Mais, règle générale, Montréel est un ouvrage se dévorant tranquillement mais sûrement et qui réussit à nous conduire à bon port en un seul morceau. Les amoureux de la littérature fantastique regretteront assurément les dernières pages, car la plume de l’auteur est limpide comme de l’eau de roche, et donc agréable à lire, alors que les autres s’arrêteront étourdis, voire soulagés, mais néanmoins très satisfaits de l’effort.

«Montréel»
Éditions Alire
608 pages

Appréciation : *** ½

Crédit photo: Éditions Alire

Écrit par: Éric Dumais

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