ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Marie-Claude Hamel
Peer Gynt est un puissant jeune homme qui n’est pourtant bon à rien. Il invente des histoires rocambolesques pour amuser et ébahir les habitants de son village, et pour distraire leur attention du fait que ses spécialités sont les beuveries et les conquêtes féminines, souvent combinées.
Nous faisons sa connaissance alors qu’il est banni de sa petite bourgade après avoir séduit et kidnappé une jeune mariée le jour de ses noces.
Errant dans la campagne norvégienne, il fera plusieurs rencontres marquantes, progressant en décevant et flouant les divers personnages dont il croise le chemin, voyant en chaque nouvel individu de potentielles escroqueries. Il parviendra même à intégrer – très brièvement – une tribu de trolls, refusant à la dernière minute de se faire crever les yeux afin de joindre pour de bon leurs rangs.
Au fil des cinq actes de la pièce, la personnalité de Peer Gynt ne se transforme guère. Les tares que l’on excusait en riant et qu’on mettait sur le dos de son insouciante jeunesse deviennent de sérieux défauts à mesure qu’il vieillit. C’est quand même un tour de force de la part de Guillaume Tremblay, qui, dans le rôle-titre, est de presque toutes les scènes, transmettant parfaitement l’insouciance du personnage et sa profonde mythomanie.
Le reste de la distribution se donne corps et âme, incarnant plusieurs personnages à la fois, prenant part à des chorégraphies et à des chansons, changeant sans cesse de costumes. C’est un festin pour les yeux et les oreilles, et la bonne humeur est communicative – on ne voit pas vraiment passer le 1h45 que ça dure. Olivier Morin, en plus d’une mise en scène parfaitement maîtrisée, joue aussi quelques personnages. On sent d’ailleurs le fin esprit de ce dernier transparaître dans l’adaptation des dialogues, un feu roulant et savoureux de répliques bien senties.
La musique, signée par Navet Confit, se marie habilement à l’action, fusionnant des créations originales parfois discrètes, parfois grinçantes, aux instrumentations et thèmes originaux de Grieg. Les costumes de Julie Breton sont sobres là où c’est requis, et nous sommes proprement épatés de ce qu’elle a réussi à faire dans le segment des trolls.
Le reste de la distribution accomplit un beau travail d’équipe fusionnel, personne ne manquant d’énergie, autant au niveau des cabotinages niais de Christophe Baril que de la naïveté profonde de la Solveig de Kim Despatis.
Le Théâtre de l’Opsis poursuit, avec cette création, son cycle scandinave entamé en 2015, et qui durera jusqu’à 2018. Kevin McKoy nous avait déjà dressé une bonne liste de similitudes entre la Norvège et le Québec dans Norge, présentée à l’ESPACE GO à la fin de l’année dernière, et les fabulations narratives de Peer Gynt évoquent les meilleures histoires des conteurs de notre folklore provincial, avec une bonne dose de délire typiquement scandinave, et une saveur très goûteuse et difficilement égalable.
La rédemption finale, étrangement amenée, ne dissout aucunement l’impression festive que nous laisse dans le cœur cette excellente création.
L'événement en photos
Par Marie-Claude Hamel
L'avis
de la rédaction