LittératureRomans québécois
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Il est difficile de se prononcer sur ce roman en ne connaissant pas le degré de distance ironique entre l’auteur et son narrateur infantile, hypersexuel, sans réelle profondeur, et dont le regard est constamment tourné vers son propre plaisir. Un narrateur pour qui une rencontre «ne mène nulle part» s’il n’éjacule pas.
Un narrateur absolument antipathique et macho, qui enchaîne les conquêtes féminines comme si elles étaient un vulgaire produit de consommation.
Ses rencontres, pendant lesquelles il est insistant et hâtif, n’utilisant jamais de contraception, ne portent pas nécessairement le sceau étincelant du consentement sans équivoque. Il veut toujours, dès les premières minutes qui suivent un premier contact, «tout savoir» à propos de son interlocutrice, et les réponses des filles deviennent des formules, structurées à peu près de la même façon chaque fois. La redondance se retrouve aussi au niveau des rapports sexuels, qui suivent une structure que l’on dirait préétablie et stéréotypée, comme dans un porno sans imagination.
Si le narrateur est l’alter ego de l’auteur, il s’amuse avec sa réputation; il va jusqu’à mettre en scène une causerie littéraire où il se fait reprocher son traitement superficiel des femmes par une écrivaine féministe, à qui il répond: «Je pense que si un roman ne réussit pas à faire bander ses lecteurs et mouiller ses lectrices, il ne mérite pas d’être lu». Il finira, de façon tout à fait prévisible, par coucher avec cette auteure, provoquant chez le lecteur de multiples soupirs, davantage liés à un certain agacement qu’à une potentielle excitation sexuelle.
Le roman se conclut avec un long chapitre qui met en scène une escapade à Barcelone, qui transforme le récit en pamphlet indépendantiste, comparant un peu douteusement les Catalans aux Québécois. Il ajoutera notamment à sa collection de conquêtes une jeune Espagnole directement touchée par la cause, ce qui lui permet de politiser le récit à la dernière minute.
Gabriel Anctil, séparatiste assumé, est capable de bien ficeler un récit, certes, et son sens du rythme fait que cette lecture de près de quatre cents pages s’accomplit assez rapidement, mais il ne propose ici aucune caractéristique stylistique personnelle, écrivant de façon convenue et, parfois, carrément bourrée de clichés.
On obtient en fin de compte un récit fantaisiste peuplé par les fantasmes de l’auteur, avec des personnages féminins pas très profonds, et un narrateur sûr de lui, qui ne se remet pas vraiment en question et qui évolue donc très peu.
On attend la rédemption, on attend un changement d’attitude envers les femmes, mais on attend longtemps, et en vain.
«Les aventures érotiques d’un écorché vif» de Gabriel Anctil, XYZ, 384 pages, 27,95 $
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de la rédaction