MusiqueLes albums sacrés
Crédit photo : Elektra Records
Le groupe, tel qu’on le connaît maintenant, fut formé à New York en 1992 par deux amis, le chanteur et guitariste Matthew Caws et le bassiste Daniel Lorca, qui étudiaient le français à la même école. Après deux tentatives infructueuses et le départ de deux batteurs, les deux musiciens décidèrent de créer une nouvelle entité, Nada Surf. Peu après, le batteur Ira Elliot joignit les rangs et devint un membre permanent.
High/Low est le premier album du groupe. À l’époque, on comparait leur son à celui de Dinosaur Jr. et Pavement. Leur musique est un habile mélange de mélancolie adolescente, mais qui n’est pas du tout abrutissante; on reconnaît les difficultés de la jeunesse, sans pour autant tomber dans le drame improbable ou le lyrisme extrême et lourd. Existentiel mais pas trop. Autrement dit, cela dépasse les paroles simplistes du genre: «Tu me manques, reviens-moi», sans pour autant personnifier la nature noire et déviante de l’être humain.
La qualité de cette première offrande, et surtout la réalisation, explique, selon moi, le succès de celle-ci. Le trio, qui peinait à établir une relation durable avec une compagnie de disque, avait approché Ric Ocasek afin que celui-ci réalise leur album. Le leader de la formation The Cars avait retenu l’attention du groupe, car il avait assuré la réalisation du très populaire Blue Album (1994) de Weezer. Par ailleurs, il a cumulé une expérience plutôt intéressante depuis, il a travaillé sur, entre autres, Green Album (2001) et Everything Will Be Alright in the End (2014) de Weezer, Do the Collapse (1999) de Guided by Voices ainsi que Rock Steady (2001) de No Doubt.
L’album débute de façon super encourageante avec l’extrait «Deeper Well», qui est vraiment une chanson typique du rock alternatif à saveur pop, digne de cette glorieuse décennie (ok, pas géniale sur le point de vue politique, mais assurément riche et variée en musique). La pièce «The Plan» est dans la même veine, mais elle contient un sentiment d’urgence omniprésent.
High/Low contient également l’un des grands succès de l’été 1996, et l’une des meilleures chansons du groupe, «Popular». Couplets parlés où le chanteur explique les règles archaïques du Teenage Guide to Popularity et refrains ultracyniques, le jeu de guitare complémente à merveille ce petit bijou grâce à ses riffs sombre, contemplatif et fataliste.
Et bien sûr, une vidéo qui illustre cette histoire où des adolescents régnant tout au haut de la hiérarchie sociale d’une école secondaire aux allures élitistes résonnaient parfaitement avec tous les étudiants, actuels et passés. La cheerleader et héroïne du récit saisit ce que l’enseignement du prof (le chanteur) et applique à la lettre cet apprentissage machiavélique. Mais il y a un élément de surprise; les deux prétendants (et joueurs de football) qui courtisent la jolie étudiante sont de connivence.
Vous vous souvenez de cette chanson?
Il y a également le morceau «Sleep», qui sonne étrangement comme «Dirty Boots de Sonic Youth, mais qui est très bonne. Pour ceux qui affectionnent la basse, les titres «Treehouse» et «Psychic Caramel» sont exquis! «Zen Brain», pour sa part, a un petit quelque chose de rock et nerd à la fois, un peu à la Weezer.
Le groupe a poursuivi sa carrière de façon plus discrète et possède une discographie de 8 albums, dont le dernier paru au mois de mars, You Know Who You Are.
Je crois que le trio, maintenant devenu un quatuor depuis l’ancien guitariste de Guided by Voices, Doug Gillard s’est joint à eux, a su demeurer pertinent en assumant un rôle de groupe indie. Délaissant le côté plus rock (qui leur allait très bien pourtant), le groupe a raffiné, au fil du temps, leur talent pour concevoir de bonnes (et authentiques) chansons pop. Personnellement, j’avais craqué pour «Always Love» (tiré de The Weight Is a Gift, paru en 2005).
Bref, un peu de nostalgie fait du bien à l’âme; High/Low de Nada Surf fait définitivement partie de ces bons moments qu’il est chouette de revisiter.