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Crédit photo : Mathieu Pothier
«On a vraiment envie d’en découdre», confiait Arthur, le charismatique chanteur des Français de Feu! Chatterton, à la vieille de cette unique date montréalaise. «On a fait beaucoup de kilomètres pour juste 1h30 de concert. En plus, il y a longtemps qu’on n’a pas joué. Enfin, une semaine, mais on a l’habitude de jouer souvent. On a vraiment hâte à demain!» Et le groupe s’est montré largement à la hauteur des attentes pressenties. Après plusieurs mois d’une tournée incessante à écumer les salles de l’Hexagone, de la Suisse et de la Belgique, les cinq Parisiens ont délivré une performance dantesque dans l’antre du Club Soda, marquant d’une empreinte indélébile les esprits du millier de témoins présents.
Tout est arrivé très vite pour Feu! Chatterton, une ascension fulgurante pour une bande de musiciens se nourrissant essentiellement de ses prestations live et de l’engouement populaire. Des critiques élogieuses jusqu’à cette histoire naissante, passionnée et passionnelle avec le public de la métropole. Arthur, Antoine (basse et clavier, Clément (guitare et clavier), Raphaël (batterie) et Sébastien (guitare et clavier) se positionnent désormais comme les véritables chefs de fil d’une avant-garde française capable de soutenir une vision universelle du rock devant un public à chaque fois plus dense. «On ne l’a pas fait exprès», tranche Arthur. «Chef de file de 2016 peut être, mais il y en a d’autres. Comme on est tous l’idiot de quelqu’un, on est tous le chef de file d’un autre». C’est un point de vue! Seb consent: «Cette année, c’est vrai. Mais on a eu la chance d’arriver au moment où FAUVE a ouvert une nouvelle porte en France».
Et la France attendait depuis plusieurs années qu’un groupe assure cette relève rock, elle qui connut en quelques mois le trépas de Bashung et le glas de Noir Désir à la fin des années 2000. «On s’est dit «Putain, ça va être le désert». Mais c’est indéniable aujourd’hui, Feu! Chatterton apporte ce nouveau souffle, parvenant adroitement à l’admirable synthèse du rock et de la chanson française. Ce métissage ingénieux, aussi subtil que plein de panache, fournit plein d’espoir à une nouvelle scène française à en devenir suivant les traces du collectif parisien FAUVE et avec, dans leurs pas, Bagarre, Marvin Jounot, Grand Blanc ou encore Radio Elvis, qui seront d’ailleurs présent durant ces FrancoFolies de Montréal.
Hier soir, la salle a vibré pendant une heure et demie aux rythmes d’une performance éclatante, la scène étant pour eux un formidable exutoire. Dès l’entame avec «Ophélie», Feu! Chatterton électrisait l’assistance. Puis «Fou à lier» soutenait un peu plus la folie qui régnait, le public ovationnant le quintette entre chaque chanson. Et là, magistral, un Arthur possédé, tel un Jacques Brel, entamait l’un des bijoux de cet album Ici le jour (a tout enseveli). «Côte Concorde», cet hymne à la poésie entêtante, dépeint dans un déchaînement énervé et orageux le naufrage de ce monstre des mers sur la côte toscane. Oeuvre aussi dense qu’homogène, ce premier album des parisiens s’élève dans des dimensions remarquables sur scène, aussi bien avec «La Mort dans la Pinède» et «Boeing» que «Bic Médium», «Le Pont Marie» ou «Harlem».
En live, la subtilité musicale de ce rock littéraire, aussi magnétique qu’enivrant, exprime cette identité musicale singulière assumant sans détour ses références tutélaires, des Jacques Brel, Ferré, Gainsbourg, Bashung et même Barbara ou encore l’inclassable Edith Piaf. C’est d’ailleurs après un premier rappel aux sonorités électroniques entraînantes avec l’incontournable «La Malinche», qui faisait danser un public toujours plus survolté, que Feu! Chatterton apparaissait une nouvelle fois sur scène pour une reprise d’un des classiques de Dominique A, «Je t’ai toujours aimé» originellement de la formation belge Polyphonic Size, superbement revivifiée. Dès lors, le public à bout de souffle reprenait peu à peu ses esprits alors que les cinq musiciens quittaient la scène visiblement abasourdis par l’accueil incontestable du public québécois, probablement au-delà de leurs plus folles attentes.
Aussi honnête dans le propos qu’il déballe que généreux dans la performance offerte, Feu! Chatterton a tout pour devenir un grand groupe. Comme un bloc cohérent malgré les divergences personnelles de styles, des effusions jazz au funk ou à l’électro, en passant évidemment par le rock, la chanson française, et le rap, ce «club des cinq» démontre à quel point ils réussissent actuellement avec brio à s’émanciper de l’héritage musical dont ils se revendiquent.
«Ce mélange-là vient un peu par accident, on essaie seulement d’être honnête avec nos intentions». Ce qu’ils aimeraient faire élégamment, c’est justement de la chanson française, avec tout le culot que ça prend, tout en exaltant ce déchaînement fougueux qu’apporte le rock.
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de la rédaction