«Ici, le jour (a tout enseveli)», un premier album canon pour Feu! Chatterton – Bible urbaine

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«Ici, le jour (a tout enseveli)», un premier album canon pour Feu! Chatterton

«Ici, le jour (a tout enseveli)», un premier album canon pour Feu! Chatterton

De la théâtralité musicale au rock lyrique

Publié le 5 novembre 2015 par Catherine Martellini

Crédit photo : www.facebook.com/feu.chatterton

Déjà, rien que par le titre distinctif, on sent qu’on a affaire à un groupe unique en son genre. Ici, le jour (a tout enseveli) est sorti le 23 octobre dernier. La France, qui a pu entendre en premier son EP, le compare déjà à Brel, à Bashung et à Gainsbourg pour son envolée lyrique. Sa mélodie rock complexe le transporte toutefois au-delà des chansons à texte. Si Feu! Chatterton n’a pas encore tout enseveli, ce n’est qu’une question de temps.

Le poète et chanteur du groupe, c’est Arthur. Un peu comme Pierre Lapointe de ce côté-ci de l’Atlantique, son éloquence et sa voix particulière peuvent certes en agacer certains. Impossible cependant de ne pas concéder qu’il se révèle le parfait orateur pour rendre toute la profondeur de ses écrits, jusqu’à son sourcil théâtral qui exerce un magnétisme ensorceleur et nous plonge «littéralement» dans ses histoires. Mais sa poésie ne trouverait pas toute sa résonance sans la versification musicale offerte par ses musiciens, Sébastien et Clément à la guitare et aux claviers, Antoine à la basse et Raphaël à la batterie.

Cette influence poétique se ressent jusqu’au nom du groupe. Chatterton était un poète du 18e siècle qui s’est suicidé, nom qui a également été employé dans le titre d’une chanson de Serge Gainsbourg. Mais ce n’est là qu’un des nombreux symboles utilisés par la formation. «Le long du Léthé» est aussi un clin d’œil à un poème de Baudelaire. «La Malinche» s’inspire quant à elle de la culture mexicaine. Ce nom avait été donné à une femme qui a été à la fois l’interprète et l’amante de Cortès. À ce titre, elle a été un personnage controversé, considéré comme le symbole de la traîtrise et de la collaboration, mais aussi comme le nouveau visage métissé du Mexique.

Nul besoin d’être ferré en littérature pour apprécier tout le symbolisme de cet opus. La musique aussi parle d’elle-même. «Fou à lier» en est un bon exemple où on assiste en guise de clôture à un éloquent fade out pour mieux appuyer les pensées obsessives d’une personne en proie à la folie. «Côte concorde» est aussi empreinte d’un son marin et on entend pratiquement le navire sombrer à la fin de l’hymne poignant, dont les paroles font référence au naufrage du Costa Concordia survenu en 2012.

Feu-Chatterton

La force de l’album repose sur cet équilibre entre les textes littéraires et les mélodies lyriques. Certains titres comme «Harlem» mettent ainsi de l’avant les mots. D’autres nous perdent dans la pure mélancolie comme «Le long du Léthé», «Pont Marie» et «Les Camélias (Bic médium – Part 4)». Les pièces «Boing» et «La Malinche», quant à elles, nous entraînent directement sur la piste de danse. Qui aurait en effet pu penser un jour se déhancher tout en scandant: Combien de lâches sont venus ici / Courir chimères à coup de fusils? / Ivres de gloire ont-ils pensé que ton cœur / Serait conquis percé de flèches et de rancœur / Comme tes côtes mexicaines!

Pour ce tour de force, nous les saluons bien bas.

Parmi tous les joyaux artistiques que contient cet album, deux en particulier font ressortir tout le génie des cinq membres. La mélodie inquiétante de «La Mort dans la Pinède» et ses nombreuses variations nous tiennent en haleine jusqu’à la dernière note. Dans «Porte Z», c’est la montée progressive et planante à la Radiohead qui nous fait vibrer.

Dans cet univers musical où on est envahi de tubes accrocheurs et où fusent de partout des Fuck you bitch en guise de paroles, Feu! Chatterton agit comme un chevalier héroïque à la défense des âmes romantiques.

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