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Crédit photo : www.thebrianjonestownmassacre.com
Vingt-six ans d’existence, quinze albums, treize EP et probablement plus d’une centaine de concerts, The Brian Jonestown Massacre (BJM) sont déjà installés bien confortablement dans le panthéon des groupes de rock. Nous étions assez curieux de savoir qui était les BJM aujourd’hui et si leur vision et leur manière de faire de la musique avaient évolué. «La musique que je fais est toujours la même. La seule façon dont je puisse l’expliquer peut-être… C’est comme si tu étais un chef et que tu avais tous les ingrédients que tu pouvais rêver dans ta cuisine. J’ai tous les ingrédients en moi pour faire de la bonne musique. Alors, j’essaie plein de choses, je fais juste cuisiner dans plein de styles différents. Ça peut être n’importe quoi, indien ou asiatique, mais ça reste mes ingrédients et ma cuisine, tu comprends.»
La formation du groupe varie selon les tournées et les albums. Ce mardi 10 mai au Cabaret La Tulipe, ils étaient sept à opérer la magie sur scène aux côtés d’Anton (Joel Gion, Rob Campanella, Ricky Maymi, Collin Hegna, Dan Allaire, Ryan Carlson, Christophe Dupré). Si les autres musiciens vont et viennent à leurs gré, Anton Newcombe, lui, est une constante forte. «Ricky et Joel sont là depuis le début. Ça bouge beaucoup seulement si tu le visualises comme un groupe, mais si tu le visualises comme Beck ou comme Chuck Berry, ça change la donne. Je choisis juste de ne pas être appelé Chuck Berry ou Anton. Je n’ai pas envie d’être défini par mon nom, car je ne m’intéresse pas.»
Dans le San Francisco des années 1990, les Brian Jonestown Massacre ont bien été formés comme un groupe. Certains membres ont abandonné, d’autres sont partis vers d’autres projets (Peter Hayes), il ne restait finalement qu’Anton pour polir et garder le trésor BJM. Un trésor qui palpite sur scène où leur performance ne ressemble à aucune autre. Plus qu’une simple suite de morceaux, l’expérience live des Brian Jonestown ressemble à une méditation, une transe. Anton a un rapport compliqué à la scène: «Ce qu’on peut faire ensemble peut être positif, mais ça ne doit pas être défini par le fait que moi je suis là-haut sur scène et eux en bas, ou par le prix des billets. Ça doit juste être à propos de la musique».
En 2015, Les Brian Jonestown Massacre ont enregistré deux albums: Mini Thingy Wingy et le très intéressant Musique de film Imaginé. «La dernière fois que je suis revenu de tournée, je me suis mis d’accord avec Philip Jones (Downton Abbey) pour faire la bande originale de son film, mais le projet a été repoussé. Après, je voulais faire de la musique de film; là, j’ai juste créé mon propre film dans ma tête pour en écrire sa musique». Le résultat est un opus de douze titres dont une collaboration avec la chanteuse française Soko et une autre avec l’actrice Asia Argento. L’album fait figure d’ovni dans la discographie très rock des BJM. Anton est fasciné par l’esprit libre de la nouvelle vague «Dans les années 1960, il y avait moins de gens, moins de caméras. Aujourd’hui, il y a plus de monde, plus de possibilité, mais moins de bons produits. Le monde et l’art que j’aime n’existent plus.»
Les Brian Jonestown Massacre, eux, ont été le sujet du long-métrage DIG d’Ondi Timoner, prix du meilleur documentaire au festival de Sundance en 2005. Le long-métrage raconte le parcours croisé des Dandy Warhol et des Brian Jonestown Massacre entre 1996 et 2003. Anton y est dépeint comme un génie excentrique et autodestructeur. Un portrait qu’il considère comme construit de toute pièce par la réalisatrice. «Elle m’a juste utilisé pour sa propre réussite. Ce n’est pas une personne très cool. C’est juste une fiction. Au départ, on voulait faire un film pour montrer les coulisses déviantes de l’industrie musicale. Ça a tourné en quelque chose de totalement autre. Personne ne voulait montrer le vrai film.»
Depuis l’époque DIG, Anton a bien changé. À 48 ans, il est marié et père d’un petit Wolfgang. Installé dans la capitale allemande depuis 2007, le Californien a monté son propre studio d’enregistrement privé et son propre label. A recording a produit tous les albums des BJM depuis My Bloody Underground, en 2008.
Le leader des BJM aime cette indépendance et il n’autorise que peu de personnes dans son refuge. «Dans mon studio, à Berlin, je travaille seulement avec une ingénieure de son britannique, Andrea Right. C’est la meilleure. Elle aime travailler autant que moi et ça peut être 15 heures par jour. J’aime le fait d’avoir engagé quelqu’un qui soit une femme et qui soit aussi la meilleure. Si je dois choisir entre un homme et une femme qui ont les mêmes compétences, je choisis toujours une femme». Mais quand on le questionne sur ce féminisme soudain, il rétorque: «Je suis seulement féministe jusqu’à ce que l’égalité homme-femme ne soit plus un problème».
Musicien ultraproductif, Anton Newcombe avoue aller à son studio six jours par semaine. De plus en plus, il aime produire, mais il explique qu’il est difficile de trouver des collaborateurs qui partagent sa vision non conformiste de la production musicale. Après Tess Park, Anton a envie de faire un album avec Asia Argento qu’il décrit comme une force de la nature: «J’ai entendu un remix qu’elle avait fait avec Tim Burges et ça ma toute de suite donné envie de travailler avec elle». Au sujet de ce projet, il dévoile: «Je voudrais enregistrer un album de duo entre Asia Argento et Moogie (une chanteuse australienne). L’une chante et l’autre parle à la manière de ce qu’a pu faire Serge Gainsbourg.»
Le musicien sait que ce style moins rock’n’roll n’est pas forcément ce que ses fans attendent et il conclut: «Ça va être important. Ça va être un beau moment. Ça ne m’importe pas si les gens n’aiment pas ce que je fais maintenant. Je sais que dans 50 ans ça rendra encore les gens heureux».
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Par www.thebrianjonestownmassacre.com