SortiesDans la peau de
Crédit photo : Svetla Atanasova
1- Tu occupes présentement le poste de Directeur général chez Tangente – Laboratoire de mouvements contemporains. Toi qui as commencé comme danseur puis bénévole avant d’occuper des postes de direction, peux-tu nous résumer ton parcours pour le moins coloré?
«Quand j’étais enfant, je n’arrêtais pas d’organiser des évènements pour rassembler mes voisins autour de manifestations artistiques. J’ai entamé mes études en danse à l’Université Concordia et j’ai complété ma formation professionnelle à l’École de danse contemporaine de Montréal. Dans le cadre d’un cours à notre troisième année, nous sommes allés visiter Tangente et rencontrer la co-fondatrice et directrice, Dena Davida. Cette rencontre avec cette dame, encyclopédie vivante de la danse, a été déterminante. Je suis tombé en amour avec le rôle que joue un diffuseur spécialisé en danse, et plus spécifiquement avec celui de Tangente, qui est une plateforme pour les artistes émergents. Dans un premier temps, j’ai aidé à l’organisation de leur soirée-bénéfice. Puis la direction m’a offert un «petit contrat» qui consistait à les assister sur un projet important: la relocalisation de Tangente. À partir de ce moment, j’ai cheminé au sein de l’organisation en passant par la production, la programmation, et aujourd’hui la direction générale. Aujourd’hui, ce tout premier projet est au cœur de mes préoccupations avec notre installation prochaine dans le nouvel Espace danse.»
2- D’où est née ta flamme pour la danse et qu’est-ce que cette passion nourrit chez toi?
«Afin de m’évader de mes cours de sciences, je me suis inscrit dans les troupes de théâtre et de danse de mon cégep. Malgré le fait que j’adore faire du théâtre, j’étais plus agile à me mouvoir dans l’espace que d’endosser la psychologie d’un personnage. De plus, j’ai toujours été attiré par l’architecture des lignes et des formes produites par les corps dans l’espace. Au tout début, j’aimais la synchronisation d’un groupe comme on le voit plus souvent en ballet. Aujourd’hui, je ne recherche plus cette unicité: j’apprécie le langage distinct d’un(e) chorégraphe par rapport à un(e) autre. C’est ce que j’appelle sa signature chorégraphique. Je veux voir des oeuvres ingénieuses, qui avec peu d’éléments, me font voyager entre magie, intelligence et pertinence. J’aime les créations qui transgressent les codes établis et qui m’emmènent hors de ma zone de confort.»
«J’apprécie la poésie qui émerge du mouvement, et les alliages avec d’autres formes artistiques, comme #BOXTAPE de Peter Trosztmer que nous avons présenté cet automne. Ce qui me fascine dans la danse contemporaine, c’est qu’elle permet aux créateurs de concevoir des projets éclatés. Il n’y a pas une façon de faire les choses, mais une multitude de pratiques, de visions du monde, de prises de parole, et de folies. Je trouve que la danse contemporaine se rapproche énormément de l’art visuel contemporain. À Tangente, nous avons constamment des David Altmejd en puissance!»
3- À l’automne 2016, tu inaugureras un projet de longue haleine qui s’intitule «Le Wilder Espace Danse». Qu’est-ce que ça représente exactement?
«Pour Tangente, ce projet confirme que l’émergence artistique et les œuvres à échelle humaine ont leur place dans le centre-ville de Montréal aux côtés des gros joueurs comme Danse Danse, la Maison Symphonique, ou l’OSM. Depuis quatre années, Tangente est nomade: ce qui signifie que nous offrons une programmation d’artistes émergents sélectionnés dans des lieux du centre-ville qui sont loués (Monument-National, Fonderie Darling, par exemple). Avec Espace danse sur la Place des Festivals, nous aurons nos propres salles de spectacles dans un pôle dédié à la danse en plein cœur de Montréal! C’est donc un énorme changement et un moment charnière pour l’organisme. Cela fait au moins 10 ans que nous travaillons sur ce projet. C’est beaucoup de travail et de gestion de changement qui nécessitent de savoir jongler avec les priorités. Avec ce magnifique projet, on vient réaffirmer Montréal comme plateforme internationale et incontournable de la création en danse. C’est un accomplissement d’envergure pour le milieu de la danse à Montréal et au Québec.»
4- Est-ce difficile, au cœur du paysage culturel actuel, de travailler à transmettre jour après jour sa passion pour la danse au Québec?
«Comme le dit si bien Dena Davida: «Tout ce qui en vaut la peine, mérite un effort». Partager ma passion de la danse est facile. Je l’ai dans le sang, et mes interlocuteurs le sentent bien! Je trouve qu’il y a tellement de talents et de créativité ici… C’est une chance exceptionnelle de pouvoir y accéder et de s’enrichir personnellement à leur contact. Le plus difficile, pour nous, c’est surtout de sortir les gens de leur quotidien. Ma mission, c’est de les réveiller, et de leur donner le goût du risque; l’envie et la curiosité de vivre ces «expériences» humaines et artistiques à la fois inattendues et déroutantes.»
5- Qu’aurais-tu envie de dire à nos lecteurs pour qu’ils se laissent guider, lors de leur temps libre, jusqu’à l’obscurité d’un spectacle de danse où des interprètes fabuleux communiquent avec leur corps?
«Découvrir la danse contemporaine, c’est comme partir à la découverte de l’oenologie. Il faut prendre le temps d’apprécier la chose. Ce n’est pas parce que tu goûtes pour la première fois un vin rouge très corsé que tous les vins rouges seront corsés. Quand tu commences à apprécier du vin, il est très difficile d’en distinguer ses saveurs. C’est avec l’expérience et le temps que tu développes tes préférences et tes références. Quand tu es exposé à une œuvre en danse, laisse-toi aller, lâche prise et absorbe ce qui se passe devant toi. Vis l’expérience, tout simplement.»