Musique
Crédit photo : Francis Baumans
QUAND ON PARLE DU QUÉBEC à Claire Pommet, c’est d’abord à la température qu’elle fait référence. Longeant les trottoirs du boulevard René-Lévesque en ce soir de novembre presque anormalement doux, la jeune femme admet d’ailleurs que ce n’est pas du tout à ça qu’elle s’attendait côté température. «Ça m’a un peu surpris, quand même», rigole-t-elle en jetant un regard circulaire sur la rue. «Je m’étais imaginé qu’il ferait vraiment super froid… C’est un peu dommage, j’aurais bien voulu voir une de vos fameuses tempêtes de neige!»
Malgré cette légère déception météorologique, Pomme demeure évidemment très heureuse d’être à Montréal, d’autant plus que la musique et le Québec sont pour elle deux choses intimement liées. «J’adore la musique que vous faites ici. Il y a tellement d’artistes qui m’inspirent, comme Les sœurs Boulay, Fanny Bloom — et puis, évidemment, Cœur de pirate et Pierre Lapointe.»
Ayant partagé la scène à plusieurs reprises avec ce dernier lors de ses concerts en France, Pomme n’a d’ailleurs que de bons mots à l’endroit de l’auteur-compositeur-interprète québécois. «Franchement, il est génial! Musicalement, déjà, ce qu’il fait est totalement incroyable, mais en plus, c’est vraiment un mec sympa. Je l’adore, et j’ai adoré faire ses premières parties!»
Pour ce qui est de Cœur de pirate, malgré que l’expérience d’une première partie ne se soit produite qu’une seule fois jusqu’ici, Pomme ne cache pas qu’il s’agissait tout de même d’un moment marquant de sa jeune carrière, voire même d’un rêve d’adolescence devenu réalité. «C’est qu’en fait, c’est un peu en découvrant [Cœur de pirate] que j’ai eu envie de faire de la musique… Et puis merde, j’étais tellement fan quand j’étais adolescente, c’est fou, ça frôlait carrément l’obsession en fait.»
Même si elle évoque aujourd’hui cette phase «plutôt groupie» de sa jeunesse avec une pointe de gêne dans la voix, la chanteuse admet tout de même vouer, encore et toujours, une très grande admiration pour le travail de Cœur de pirate. D’ailleurs, la jeune chanteuse ne peut s’empêcher de sourire lorsque, de retour devant son hôtel, Bible urbaine lui rappelle un certain tweet publié à son intention par l’auteure-compositrice- interprète montréalaise. «Oui, elle m’a fait un petit coucou sur Twitter plus tôt cet été, c’était vraiment sympa de sa part… En fait, pendant quelques secondes, j’avoue que je suis presque redevenue la petite ado écervelée que j’étais à quinze ans!»
AUJOURD’HUI ÂGÉE DE 19 ANS, la Lyonnaise d’origine se rappelle évidemment très bien cette période (pas si lointaine) de sa vie. Une période durant laquelle elle compose ses premières chansons à la guitare et chante ses premiers textes — textes qu’elle a écrits en anglais parce que «l’anglais, ça sonnait plus cool», précise-t-elle avec un sourire en coin.
«En fait, je faisais juste empiler des phrases qui sonnaient bien. Enfin, qui semblaient bien sonner… Et puis, de toute façon, mes amis n’y comprenaient rien parce que je chantais en anglais, alors ils trouvaient juste ça cool, même si en fait c’était bourré de mauvais clichés.»
Écrivant au sujet de choses qu’elle n’avait évidemment pas encore vécues — puisque, dans les mots de la chanteuse, «on n’a rien vécu à cet âge-là, alors on est bien forcé d’inventer des histoires» —, Pomme regrette aujourd’hui quelque peu d’avoir négligé l’importance de bien maîtriser son instrument. «Même si j’ai suivi quelques cours [de guitare], j’ai surtout appris par moi-même, et comme j’étais surtout pressée de composer des chansons, je n’ai pas vraiment cherché à devenir une bonne instrumentiste.» Ne se considérant d’ailleurs pas «réellement comme une guitariste», l’artiste admet aussi souffrir d’une certaine pulsion qui la pousse à vouloir apprendre «de tout, mais un peu», plutôt que de se concentrer sur la maîtrise d’un seul instrument.
Malgré cette impression de «ne pas être une très bonne musicienne», la Lyonnaise ne s’empêchera pas pour autant de faire des pieds et des mains pour se faire entendre, abordant une attitude qu’elle qualifie aujourd’hui d’ailleurs de «beaucoup trop intense»: «Quand j’étais plus jeune, j’avais énormément de culot — trop même —, je contactais les gens que je ne connaissais pas, j’envoyais mes trucs à droite et à gauche… C’est un peu le contraire du chemin traditionnel où, plus tu avances en âge, plus tu gagnes de la confiance… Au collège, j’étais la fille la plus extravertie; je portais des vêtements éclatés et je prenais beaucoup de place; je ne savais pas vraiment ce que ça voulait dire de ne pas avoir confiance en soi, je ne me posais pas vraiment de questions, je faisais pas mal n’importe quoi, et j’avançais la tête première.»
C’est d’ailleurs peut-être un peu grâce à cette attitude de fonceuse que la jeune lyonnaise finira par attirer l’attention de la maison de disque Polydor, avec qui elle signera un contrat en janvier 2015, après un peu moins d’un an de démarchage auprès du label français. «Pendant plusieurs mois, j’ai été en négociation avec Polydor; je faisais des sessions et des maquettes avec eux, mais sans savoir si on allait m’offrir un contrat. Du coup, je faisais beaucoup d’allers-retours Lyon-Paris; je partageais mon temps entre la musique et l’école, mais je n’avais aucune idée si ça allait finir par déboucher sur quelque chose de concret.»
Étudiant aujourd’hui l’anglais dans une université parisienne, cette facette de la vie de la jeune artiste comporte d’ailleurs encore ces petites complications, même si le fait d’étudier dans la capitale facilite selon elle un peu les choses. «On m’a autorisé une dérogation en contrôle continu, ce qui veut dire en langage familier que ma présence n’est pas obligatoire aux cours, et qu’à part des examens terminaux, je n’ai pas à passer d’autres contrôles, ce qui me permet de voyager pour des concerts, ce genre de trucs.»
Malgré tout, admet la jeune femme, il n’en demeure pas moins qu’il peut être difficile de garder le rythme, surtout lorsqu’on doit constamment déplacer son focus entre l’académique et la musique. «Ça va un peu par phases, je dirais. Par exemple, deux semaines avant les examens je vais devoir me concentrer sur l’école, étudier et pas faire de musique du tout, et à l’inverse, des fois je vais devoir partir en mini-tournée et je ne pourrai presque pas ouvrir mes livres d’école.»
QUELQUES JOURS PLUS TÔT, ce genre de problèmes avaient pourtant dû lui paraître bien dérisoires, surtout si l’on se fie à l’état de torpeur dans lequel elle se trouvait encore à son arrivée à l’aéroport.
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Par Francis Baumans