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Crédit photo : endorphine-lefilm.ca
Endorphine, c’est l’histoire de Simone en trois temps.
À 13 ans (Sophie Nélisse), elle assiste sans intervenir à la mise à mort brutale de sa mère, tabassée par un inconnu. Victime d’un blocage émotionnel, Simone se met en quête de sensations. Strangulation avec ceinture jusqu’à perte de conscience et léchage de viande décongelée font partie des pistes explorées.
À 25 ans (Mylène Mackay), elle confronte enfin le meurtrier. Virage à 180 degrés, notre héroïne souffre maintenant d’anxiété et d’une profonde culpabilité. Travaillant au guichet, dans le même stationnement où sa mère se gara 12 ans plus tôt avant de périr, la vie de Simone n’est plus que fuite et frayeur.
À 60 ans (Lise Roy), finalement sereine et épanouie, elle livre à un groupe d’adeptes de physique un exposé sur la nature du temps.
Amateurs d’images léchées et de plans de vue bien étudiés, servez-vous. La réalisation d’André Turpin est soignée, quoique bien plus glaciale que ce qu’il nous avait proposé jadis avec le sautillant Un crabe dans la tête. Des décors stériles et répétitifs (le stationnement et un escalier seront les lieux les plus utilisés), assortis à un usage minimal des dialogues. Au diable la chaleur humaine et l’attachement aux personnages. De toute façon, l’intérêt du film ne s’y situe pas.
L’intrigue fragmentée d’Endorphine en constitue le nerf de guerre. À travers ces ellipses vers de nouvelles périodes dans la vie de Simone, l’impression sournoise que le temps s’est arrêté. Que les trois Simone vivent côte à côte sans jamais se croiser. Ça a l’air un brin étrange, non? Ce l’est encore plus que vous ne le pensez.
Endorphine ne vise définitivement pas un large public. Mais il se donne tout de même la peine de tendre une perche pour se rendre plus accessible. À cet effet, les passages mettant en scène Simone à 60 ans ne sont pratiquement utilisés que de manière didactique, exposant certaines hypothèses quant à la nature du temps qui passe. Pour résumer son topo en une phrase: le temps tel que nous le concevons n’est pas forcément une belle «ligne droite»; cette ligne mouvante et imagée pourrait par exemple se diviser, faire une boucle ou s’immobiliser.
Trois comédiennes. Trois âges. Une seule Simone? Plusieurs Simone? Impossible d’y répondre avec certitude. Ajoutons à cela des séances d’hypnose et des moments de rêve éveillé pour que la confusion ne fasse que grimper d’un cran.
À propos de son film, André Turpin le dit lui-même en toute franchise, rien ne sert de chercher à tout comprendre. La trame de fond se veut intentionnellement opaque, d’une fausse simplicité qui saura en désarmer plusieurs et faire rager les autres. Coquin, Turpin nous donne une boîte de casse-tête en ayant pris soin non pas d’enlever des morceaux, mais de changer la forme de ceux-ci, les rendant incompatibles entre eux.
Prérequis pour apprécier Endorphine: une grande ouverture d’esprit, un abandon volontaire de la logique au profit des perceptions et puis aussi, pourquoi pas, un peu de bonne humeur! Le genre de film qui gagne à être vu tard le soir, écrasé sur un futon. Statut culte probablement à venir.
Si Endorphine répond à vos attentes, je vous recommande de poursuivre «l’aventure quantique» à l’aide de ces deux autres suggestions pas piquées des vers: Coherence (2013) de James Ward Byrkit et Primer (2004) de Shane Carruth. Bons grattements de coco!
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Par endorphine-lefilm.ca
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