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Cet incontournable slameur semble avoir cru bon de rassembler les esprits autour d’un thème, ou plutôt d’une locution, «Il nous restera ça», que chaque poète interprète à sa manière. Mais il sera plus juste de parler ici d’une interprétation poétique que musicale, puisque les mélodies chantées y sont quasi-absentes. On trouve bien quelques rythmes et quelques notes ça et là, sous les vers, mais là s’arrête le rapprochement avec le slam ou avec tout autre genre musical.
Mais l’ensemble n’en dénote pas moins une certaine harmonie, car ce qui reste, justement, sous la diversité des interprétations, est un attachement bien senti aux sensations et une mélancolie prenant plus ou moins, selon le cas, la couleur d’une appréhension face à l’avenir. Si certains, comme Erik Orsenna avec «L’Ours blanc» et les très beaux vers d’HF Thiéfaine dans «Le temps des Tachyons», évoquent des présages de lendemains plutôt apocalyptiques, plusieurs autres décriront plutôt les éléments anodins de leur existence qu’ils aimeraient préserver jusqu’au terme de leurs jours.
Les textes d’«Il nous restera ça» savent démontrer en force qu’il est encore possible de vaincre l’oubli, en particulier ceux de deux vieux routiers aux voix assez similaires: Renaud, qui parle de son amour pour son enfant dans «Ta batterie», et Richard Bohringer dans «Bleuette», qui raconte la tendresse d’un amour vieillissant. La succession de ces textes à ceux des plus jeunes générations, révélant des espoirs plus inquiets, comme celui de Jeanne Cherhal, décrivant par de riches images des amours soumises aux caprices du temps, laisse alors les auditeurs sur une note d’espoir. Et pourtant, à travers le charme des voix plus éraillées qu’avant et de ces histoires plus mûres, les amoureux de longue date de la poésie de Renaud, d’Aznavour et des autres se surprennent à constater que le temps a passé, pour eux aussi.
Il reste ça, ce lien-là, peut-être parfois trop insistant, puisque tous les auteurs ne se sont pas nécessairement réinventés pour l’occasion, pas même Grand Corps Malade. Et l’on sourit, il est vrai, en entendant ce dernier, qui a d’abord décrit ses idylles de jeune adulte sur l’album Midi 20 et ses premiers grands engagements amoureux dans l’«Enfant de la Ville» parler maintenant de sa paternité. Par contre, ses textes «Spectacles vivants» et «Le Banc» sont des reprises décidément trop familières de thèmes déjà abordés. Fred Pellerin, quant à lui, s’y essaie à la rime rythmée, qu’il sait amener avec une douceur étonnante, mais en référant à un univers poétique pas si lointain de celui à travers lequel il a déjà su se faire aimer.
Bref, beaucoup de textes inédits, mais quand même, au bout du compte, un vaste espace pour la nostalgie. C’est ce que l’on en retient.
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de la rédaction