Cinéma
Crédit photo : Paramount Classics
Fille du légendaire cinéaste Francis Ford Coppola (The Godfather, Apocalypse Now), Sofia Coppola débute sa carrière alors qu’elle est encore enfant, figurant régulièrement dans les productions de ce dernier. Les critiques négatives et les accusations de népotisme qu’on lui adresse la pousseront cependant à croire qu’elle n’est peut-être pas destinée à être actrice, et de cette constatation a germé sa véritable vocation comme auteure et réalisatrice. Rira bien qui rira le dernier, puisqu’il faudra ensuite moins de cinq ans à la cadette du clan Coppola pour être doublement nommée aux Oscars grâce à son mémorable Lost in Translation (2003) et, par le fait même, pour devenir la seconde femme de l’histoire à y remporter le prix du meilleur scénario original.
Ceci dit, reculons quelque peu dans le temps, car c’est en 1999 que Sofia Coppola écrit et réalise son tout premier long-métrage, celui-là adapté d’un roman de Jeffrey Eugenides intitulé The Virgin Suicides. Mettant en vedette James Woods, Kathleen Turner, Josh Hartnett et une jeune Kirsten Dunst d’à peine 17 ans, le film se distingue par une atmosphère maussade, voilée, donnant presque l’impression d’assister à un rêve ou aux souvenirs vaporeux de quelqu’un d’autre.
Ce sont les années 1970. Dans la petite banlieue de Grosse Pointe, Michigan, vivent les cinq sœurs Lisbon sous l’égide de parents surprotecteurs et fermement catholiques. Racontée par un groupe de garçons du quartier intrigués par leur beauté inaccessible, l’histoire débute alors que la benjamine, âgée de 13 ans, tente de s’enlever la vie en s’entaillant les poignets dans la salle de bain familiale. À son réveil à l’hôpital, le docteur déclare: «What are you doing here, honey? You’re not even old enough to know how bad life gets.» Ce à quoi elle rétorque aussitôt : «Obviously, doctor, you’ve never been a 13-year-old girl.» Et voilà toute l’essence de cette œuvre funeste.
Attention: The Virgin Suicides n’est pas que la stricte mise en scène romantico-tragique d’un fait divers, ni un mélodrame larmoyant sur les condamnations de la religion ou la lassitude de la jeunesse occidentale, encore moins un simple film d’adolescentes. Il s’agit plutôt d’une fable poétique et névralgique sur le fait d’être une fille et de grandir en voulant comprendre l’amour, la mort et l’intimité; c’est une œuvre non pas sur la vie qui se termine, mais plutôt sur la fin de l’enfance et de son platonisme naïf. Contrairement à ses narrateurs, Sofia Coppola comprend ce qui bout dans le cœur de ses personnages, et pas seulement celui des cinq ingénues, mais aussi de leurs parents, qui ne sont jamais diabolisés et dont les tourments sont toujours dépeints avec sincérité.
De renouer avec The Virgin Suicides – un film que j’avais quasiment oublié parmi tant d’autres vestiges de mon passé – s’est avéré une expérience fascinante et étrangement hypnotisante. Maintenant, excusez-moi pendant que je vais me procurer sa superbe bande sonore signée Air, histoire d’immortaliser l’ambiance aérienne de ce petit classique de l’autre Coppola.