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Crédit photo : Olivia Lagacé
À MOINS D’UN MOIS de la parution de son disque, l’excitation est palpable dans le camp d’Ariane Zita. Et la machine, quant à elle, semble bien huilée. Promotion d’un premier extrait radio, tournage d’un vidéoclip, annonce d’une série de concerts à travers la province, de toute évidence, la jeune femme et son équipe s’activent à préparer le terrain pour le grand jour.
Et la principale intéressée pourrait difficilement en être plus heureuse.
Assise à la fenêtre d’un bar de la rue Saint-Denis, il y a d’ailleurs comme une pointe de fébrilité dans sa voix. Quelque chose qui contraste merveilleusement avec le ton généralement posé de la jeune femme. «Je sors un album et, pour de vrai, j’ai encore de la misère à y croire. Je capote un peu.»
Enregistré au cours de l’été au studio montréalais Hotel2Tango, Oui mais non marque une transition importante pour celle qui passe maintenant au français après plusieurs années (et un EP) à chanter en anglais. «C’est un trip différent. C’est plus proche du cœur peut-être… et puis la musique francophone, au delà de la langue elle-même, elle pousse naturellement vers des mélodies différentes, je crois. Alors, c’est bien, ça m’a aussi poussé à essayer des trucs nouveaux au niveau des mélodies.»
Différent sur le plan linguistique, ce premier album représente aussi en quelque sorte celui de l’affranchissement sur le plan musical, alors que Zita y affirme sans aucune retenue sa véritable identité de songwriter. Une identité davantage pop que folk, selon elle. «Juste parce que [lorsque je chantais en anglais] les gens me voyaient avec une guitare acoustique entre les mains, ils avaient tendance à catégoriser ma musique comme étant du folk, alors qu’en fait je n’ai jamais vraiment écouté ce genre de musique.» Citant des artistes d’ici et d’ailleurs tels que Lana Del Rey, Fanny Bloom ou encore Cœur de pirate, Zita semble visiblement heureuse de voir disparaître les connotations négatives autrefois associées à l’étiquette de musique pop. «Si je devais mettre un nom là-dessus, je dirais sûrement que c’est de la pop. Mais c’est drôle, quand j’étais ado, “pop” c’était comme un gros mot, il me semble.»
Évidemment, entre une nouvelle langue et une nouvelle approche musicale, il y a eu aussi les petites insécurités habituelles qui accompagnent généralement la création d’un premier album. Question de mettre l’artiste en confiance, c’est donc nul autre qu’Howard Bilerman (Arcade Fire, The Barr Brothers, Peter Peter) qui s’est vu confier la réalisation de ce premier album. «Oh god, Howard…» Malgré un épais jacket de cuir noir, on peut presque deviner la chair de poule qui parcoure son corps à la seule mention du nom de Bilerman. «Dans les derniers jours de l’enregistrement, je suis arrivé au studio et il était en train de faire des back vocals sur une de mes chansons. Je suis restée comme figée et je me suis dit: Ok, Howard f***ing Bilerman est en train de chanter sur une de tes chansons. No big deal Ariane.»
Avec l’excitation apparente de la jeune femme, on pourrait facilement croire que celle-ci en est à ses premiers pas dans le monde de la musique. Au contraire: la musique, Ariane Zita baigne dedans depuis longtemps. Ayant appris le piano par elle-même dès l’âge de cinq ans (avec, bien entendu, un petit coup de pouce de sa mère), la chanteuse roule déjà sa bosse depuis 2010, soit lorsqu’elle se fait découvrir par la directrice de programmation du festival OFF de Québec. «J’avais mis quelques chansons sur MySpace et c’est une amie à moi qui leur a envoyé en secret. Ils ont fini par m’ajouter à la programmation pour la soirée d’ouverture du festival et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à prendre la chose un peu plus sérieusement.»
Deux ans plus tard, Zita enregistre un premier EP homonyme qui se taille rapidement une place de choix au sein du palmarès anglophone de CISM. Ce premier effort lui vaudra également un contrat avec l’agence de spectacle de l’étiquette montréalaise Dare To Care Records (Cœur de pirate, Jimmy Hunt, Les sœurs Boulay, Bernard Adamus) et, au cours des mois suivants, l’auteure-compositrice-interprète fera le tour des salles de la province — assurant notamment la première partie d’artistes tels que Cœur de pirate, en plus d’accompagner Carl-Éric Hudon sur scène à titre de violoniste et claviériste —, mais aussi du monde avec des concerts solos en Allemagne, en Pologne et même en Islande. Puis l’hiver dernier elle signe avec le jeune label Music Mansion (Miracles, Barrasso, Clément Jacques) et entame le processus de création d’un premier album complet.
Un album qu’elle porte aujourd’hui littéralement comme un badge d’honneur, affichant fièrement un tatouage Oui mais non sur son avant-bras. «Oui, il y a définitivement quelque chose de spécial avec cet album-là, et pas juste parce que c’est mon premier.»