CinémaCritiques de films
Crédit photo : Les films Séville
Ni film pornographique ni drame romantique hollywoodien, le Love de Gaspar Noé ressemble à une fantaisie où sa propre poésie fait défaut. Au-delà des véritables scènes de sexe (puisqu’on ne simule pas) filmées sous divers angles, disons qu’il faut plus qu’une excellente trame sonore pour en magnifier l’ensemble. La forte présence de Back et de Satie devient rapidement une consolation face à l’ennui qui nous gagne tout au long du film.
Sans jouer la carte du voyage spatio-temporel comme il le faisait dans le singulier Enter the Void, voilà qu’on tente ici avec ce film voyeuriste de brouiller à nouveau les pistes de la narration classique en y retrouvant un montage qui cligne littéralement des yeux avec de courts fondus au noir. Le spectateur est donc poussé à observer la dérive d’un homme qui remet sa vie amoureuse et générale en question au moment précis où il apprend la disparition de l’amour de sa vie. On peut au moins saluer l’effort du réalisateur d’avoir su dénicher un acteur prêt à se dénuder et à performer de la sorte, ce qui change considérablement la donne, comme on connaît les capacités de jeu limitées des comédiens pornographiques…
Et alors qu’on s’embarque dans une odyssée qui offre tout plein de retours en arrière qui relatent le triangle amoureux du jeune homme, on finit par se rendre compte que le cinéaste ne se parle finalement qu’à lui-même dans ce discours à sens unique. De cette histoire d’amour qu’il souhaite universelle, mais qui s’avère désagréable et toxique, le cinéaste trouve ici un réconfort freudien, pour ne pas dire oedipien, qui ne peut en aucun cas intéresser les foules. Lorsque le protagoniste nomme son enfant Gaspar, on ne peut que se décourager de la chose, pratiquement plus que lors de ses nombreuses éjaculations où pénis dressés droit sous nos yeux à l’aide de la 3D.
Après tout, comment percevoir autrement cette scène où Murphy réconforte son jeune enfant, nommé Gaspar, dans les eaux rédemptrices d’un bain, pleurnichant sur son sort et la dureté de la vie, que d’une autoconsolation du réalisateur envers lui-même? Le protagoniste est, après tout, un jeune cinéaste en devenir, passionné du septième art, qui cherche à créer des œuvres sincères et réalistes où l’amour, le vrai celui-là, se mêlerait brillamment avec la sexualité… Et puis quoi encore?
Le spectacle devient alors de l’automasturbation qui se prétend intellectuelle. L’usage de la 3D, qui joue habilement sur la profondeur des lieux, devient un peu comme une compensation pour le manque de profondeur du long-métrage. Ce prétexte technique est bien vite sans véritable valeur ajoutée, donnant souvent envie au spectateur de retirer les lunettes au fil des trop longues deux heures et quinze minutes qui composent le film.
Love est donc un testament qui prend plutôt des allures de monologue. En voulant parler d’amour et d’art, Noé finit par ne parler que de lui-même et livrer un produit tellement prétentieux qu’il ne semble être qu’un miroir ne donnant pas accès à notre propre reflet. C’est dommage, puisqu’on détournera alors le regard, non par pudeur, mais bien par désintérêt. Comme quoi la sexualité est toujours plus stimulante dans l’excitation que la tristesse, sauf peut-être quand Funkadelic fait pleurer ses guitares électriques, mais ça, c’est une autre histoire.
Le film Love de Gaspar Noé prendra l’affiche en salle au Québec le vendredi 27 novembre 2015.
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de la rédaction