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Crédit photo : Les Films du 3 Mars
Présenté en version courte à Télé-Québec lundi dernier lors d’une diffusion unique, voici votre chance dès vendredi d’attraper en salle l’intégrale de ce documentaire qui pique certainement la curiosité. Mais qu’est-ce qu’on pourrait bien dire de plus sur tout cela? L’ambition du long-métrage est grande: tenter de globaliser le conflit ayant duré près d’une vingtaine de semaines en deux heures tout en essayant d’être le plus complet possible. Santiago Bertolino et Hugo Samson ont toutefois un mérite: celui d’avoir mis à l’avant-plan ce qui a trop souvent été ignoré lors des couvertures médiatiques: le regard étudiant face au conflit.
Sans toutefois vouloir dénoncer le film, qui parvient à nous placer avec brio aux premiers rangs du soulèvement, on doit admettre que les méthodes utilisées sous souvent déloyales et que l’objectivité sous-entendue n’est qu’un leurre, puisque les diverses techniques cinématographiques des deux cinéastes sont constamment marquées par leurs propres opinions. Musique à l’appui, morceaux choisis avec attention et toujours cette impression, comme lors du conflit, d’entendre un discours à une seule voix, bref, ce ne sont là que les multiples exemples du manque de neutralité de l’ensemble. Le militantisme est ici clamé haut et fort et le ridicule de la politique tourné en dérision de multiples façons.
Du coup, le documentaire manque sa chance d’unir les deux partis et de montrer un regard éclairé sur un conflit qui, encore aujourd’hui, s’explique mal, surtout lorsqu’on voit comment cela a dégénéré à de nombreux moments. Ayant comme public cible les militants déjà conquis d’avance, ceux du bord adverse ne risquent pas de mieux s’attacher à la cause qu’ils ont refusée par le passé.
Bien sûr, on s’approche plus que jamais des têtes d’affiche et on découvre ainsi d’autres facettes de Gabriel Nadeau-Dubois, par exemple. Il est également fascinant de voir les quelques conflits internes des associations par moments, tout comme l’ensemble de ce que les médias n’ont pas pu ou n’ont pas voulu diffuser à la télévision. Il faut aussi admettre que le documentaire traîne souvent en longueur. L’illusion du manque de jugement fait divaguer le film ici et là sans qu’on sache trop où on nous emmène, alors que d’autres moments, comme celui on l’on s’attarde trop longuement sur le groupe Mise en demeure, ont peu d’intérêt face à l’ensemble du sujet.
Mais pour ceux et celles qui auraient dormi pendant les nombreux mois de cette crise, ce documentaire demeure un regroupement d’archives assez important et une très bonne entrée en matière pour voir différemment la situation globale, notamment du point de vue des étudiants. Ce sera ensuite au spectateur de développer ses propres recherches et de former ainsi sa propre opinion et de construire ses propres «pour» et ses propres «contre».
Là où le gouvernement et les étudiants se sont entendus le mieux, c’est sur le fait que, tôt où tard, tout devait péter, tout devait éclater. Pour les étudiants, c’est face à la réaction d’un groupe, d’une masse, d’un peuple face à une impasse, et pour le gouvernement, c’est face à l’essoufflement d’un tel mouvement. Et cette constatation, le documentaire Carré rouge sur fond noir de Bertolino et Samson se fait le devoir d’en démontrer l’effervescence, arrivant à plusieurs moments à mettre dans le tort un côté comme l’autre.
Ainsi, on découvre une force qui jusqu’alors n’a toujours pas été vaincue et qui, encore aujourd’hui, en habite beaucoup face à un conflit qui perdure dans le silence, à savoir la force de l’incompréhension. Et c’est peut-être là l’essentiel du documentaire, ne marquant que le prologue d’un avenir encore et toujours incertain.
«Carré rouge sur fond noir» prend l’affiche au Cinéma Excentris ce vendredi 30 août et au Cinéma Cartier de Québec dès le 6 septembre prochain.
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de la rédaction