«Ainsi cuisinaient les belles-soeurs dans l'oeuvre de Michel Tremblay» d'Anne Fortin – Bible urbaine

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«Ainsi cuisinaient les belles-soeurs dans l’oeuvre de Michel Tremblay» d’Anne Fortin

«Ainsi cuisinaient les belles-soeurs dans l’oeuvre de Michel Tremblay» d’Anne Fortin

Un demi-siècle mis en conserve

Publié le 16 avril 2015 par Bible urbaine

Crédit photo : Flammarion Québec

Paru en novembre 2014 aux éditions Leméac et Flammarition Québec, Ainsi cuisinaient les belles-sœurs dans l'oeuvre de Michel Tremblay est bien plus qu'un traditionnel livre de recettes, bien que son titre le laisse croire. On pourrait largement le qualifier d'anthologie socio-littéraire, puisque Anne Fortin use des mots de Tremblay pour mettre à jour le patrimoine culinaire du Québec de la première moitié du 20e siècle tout en lui octroyant la perspective nécessaire à lui donner sens, historiquement parlant.

On ne saurait dire, en feuilletant les quelques 200 pages de ce beau livre, si les mots de l’écrivain Michel Tremblay servent de prétexte à la revisite des cuisines canadiennes-françaises des années 1913 à 1963; ou si c’est plutôt notre patrimoine culinaire qui apparaît, avec du recul, comme un des protagonistes principaux de l’œuvre proustienne de Tremblay. Dans tous les cas, les deux se répondent naturellement, de sorte que la traversée de cet ouvrage d’Anne Fortin éveille, même chez les plus jeunes, une curieuse nostalgie.

Ce projet d’Anne Fortin, propriétaire de La Librairie gourmande (au Marché Jean-Talon à Montréal), est arrivé à la fin d’une année pour le moins Tremblay-ienne (fin des présentations de la pièce Le Chant de sainte Carmen de la Main -d’ailleurs gagnante du Félix «Album de l’année – bande sonore originale»- en plus de la parution de son roman «Survivre! Survivre!» et invité d’honneur au Salon du livre de Montréal 2014). Le brio du travail de recherche et d’assemblage de Fortin est de placer le patrimoine culinaire de ce demi-siècle (canadien français, bien que très montréalais) comme un véritable protagoniste traversant l’oeuvre de Tremblay, et de créer un dialogue entre les citations de l’écrivain et des images d’archives, des publicités de l’époque et le contexte social entourant les mets.

L’œuvre est construite en 6 parties, dans lesquelles on découvre l’art de la cuisine «d’antan» dans un registre passant de la vie de tous les jours aux jours de fête ou ceux de privation. Un accent particulier est mis sur les influences britanniques, françaises et américaines, de même que sur le clivage rustique/régional et, bien sûr, l’importance des lieux communs.

Celui qui recherche un livre de recettes traditionnel sera peut-être déçu, puisqu’il n’y a que 37 recettes ouvrières (bouilli canadien, gibelotte de Sorel et poutine au pain, par exemple), souvent assez «brutes» (limonade, pound cake, pâté chinois, etc.). Il s’agit donc, comme mentionné plus haut, plutôt d’un corpus, qu’on aurait sans doute espéré plus dense (des pages entières occupées par photos ou citations en gros caractères prenant beaucoup de place, bien que cela donne un tout graphiquement intéressant).

En comparant les habitudes culinaires des personnages de Michel Tremblay, il est assez poignant de constater leur évolution jusqu’au 21e siècle, où le rosbif du samedi est devenu smootie detox et repas végé sans gluten. On referme donc le livre avec en bouche un arrière-goût de temps révolu, et l’envie irrépressible de replonger dans les oeuvres de Tremblay mais, surtout, dans les recettes jaunies de nos grands-mères et arrières-grands-mères…

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