«L’univers de Michel Tremblay» de Jean-Marc Barrette et Serge Bergeron – Bible urbaine

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«L’univers de Michel Tremblay» de Jean-Marc Barrette et Serge Bergeron

«L’univers de Michel Tremblay» de Jean-Marc Barrette et Serge Bergeron

Gabriel, Albertine, la Duchesse et les autres dans un dictionnaire

Publié le 25 janvier 2015 par David Bigonnesse

Crédit photo : Leméac

Lorsque l’on pense à des univers renfermant un nombre considérable de personnages, les noms de Balzac, Proust et Zola nous viennent en tête. Dans la littérature d’ici, on oublie souvent, peut-être parce que nous sommes justement plongés dans une œuvre qui croît encore chaque année, que Michel Tremblay a créé un monde de personnages plus qu’impressionnant. L’actualisation d’un dictionnaire consacré à Nana, Carmen, Marcel, Léopold et tous les autres met surtout en lumière l’abondance de personnages référentiels intégrés dans ses écrits. Comme quoi découvrir un univers en ouvre sur un autre.

Les personnages sont la plupart du temps indissociables de leur créateur, que ce soit au cinéma, en littérature ou au théâtre. Dans le cas de l’auteur d’À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, cela est encore plus vrai parce que ceux qui parcourent son immense corpus sont souvent inspirés de personnes réelles ayant entouré l’artiste. Cette limite entre la fiction et la réalité est d’ailleurs l’un des points soulevés dans L’univers de Michel Tremblay.

Cette deuxième édition signée Serge Bergeron a de quoi bousculer avec ses données en matière de personnages. On constate que 890 se sont ajoutés, et le décompte total fait état de 3060 personnages recensés. En termes d’occurrences, on arrive à 5177 entrées de personnages. D’autres chiffres? L’analyse de ces résidants du Plateau-Mont-Royal ou des travailleurs de la Main a été faite dans 80 textes de Tremblay, soit des romans, des pièces de théâtre, des écrits autobiographiques, etc.  Bergeron précise que les pièces étrangères traduites ou adaptées par le dramaturge ne font pas partie des œuvres analysées aux fins de ce dictionnaire. À titre d’exemple, l’opéra Nelligan et le scénario du téléroman Le Cœur découvert.

Ce qui s’avère le plus intéressant dans cet ouvrage de référence fort bien rendu, c’est de réaliser à quel point les références issues de la littérature, du cinéma, du théâtre, de la culture populaire et de la société en général y abondent. Ces personnages nommés «référentiels» peuvent être fictionnels ou réels. En fait, ils n’ont pas été imaginés par la plume de l’écrivain québécois. D’ailleurs, 1700 personnages s’inscrivent dans cette catégorie, selon ce qu’indique l’auteur de cette deuxième édition dans le texte de présentation. Des personnages aussi divers que Cendrillon, Schéhérazade, la Vierge Marie, Jean Drapeau, Marlon Brando et Guy de Maupassant ont une place dans cette deuxième partie de ce dictionnaire. Il existe plusieurs raisons pour lesquelles un de ceux-ci se retrouve là. Le personnage créé par Tremblay a peut-être lu un de ses romans, apprécie le voir incarner un rôle au cinéma, l’a nommé dans une conversation, etc. Pensons tout simplement à Hosanna et sa Elizabeth Taylor interprétant Cléopâtre ou à Édouard découvrant La Duchesse de Langeais de Balzac.

Dans un autre ordre d’idées, il est essentiel de relever que chaque personnage est décrit le plus efficacement possible dans chaque entrée. La date de naissance, le réseau familial ainsi que de petites précisions sont inscrits en plus d’une mise en contexte du personnage dans chaque texte où il revient. Les sigles représentant les titres d’œuvres sont quant à eux bien marqués en italique. Par ailleurs, si vous cherchez par exemple Tooth Pick, le dictionnaire vous invite à consulter l’entrée Denis Ouimet.

Il faut compter aussi dans cet ouvrage la présence d’un annuaire présentant les personnages et lieux de tous les textes répertoriés. Après cet annuaire figurent les arbres généalogiques de la famille de Victoire, de Noël ainsi que des familles Desrosiers et Guérin. De plus, la liste des sigles utilisés pour abréger le nom des œuvres s’avère essentielle, car il arrive souvent que l’on ne se souvienne pas de quelle œuvre dont il est question…

Le travail colossal amorcé par Jean-Marc Barrette (avec une première édition en 1996), vice-recteur à l’enseignement et à la recherche à l’Université Saint-Paul, devait effectivement être poursuivi et c’est Serge Bergeron, enseignant au Cégep de Sainte-Foy, qui, en prenant la relève, a réussi à démontrer que le dramaturge et écrivain québécois propose une véritable constellation de personnages étonnants et bouleversants.

Au final, L’univers de Michel Tremblay s’adresse à ses lecteurs assidus, aux professeurs, aux chercheurs ainsi qu’aux curieux. Mais les lecteurs qui ont peu fréquenté ses pièces et romans trouveront peut-être moins pertinent de se procurer cet ouvrage de référence. Il vaut mieux lire l’auteur des Chroniques du Plateau-Mont-Royal et par la suite fouiller pour des précisions, bien comprendre les liens entre les textes ou se rappeler certaines aventures oubliées des personnages. Qui sait si certains de ceux-ci vous mèneront vers d’autres univers aussi fascinants.

L’univers de Michel Tremblay, Jean-Marc Barrette et Serge Bergeron, Leméac, 2014, 816 pages, 24,95$.

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