CinémaCritiques de films
D’abord reconnu pour ses films à grand déploiement dont Koyaanisqatsi (1983), Powaqqatsi (1988) et Baraka (1992), le réalisateur Ron Fricke s’est doté des dernières technologies cinématographiques et d’équipements sophistiqués pour réaliser ce véritable chef-d’œuvre qu’est Samsara, un documentaire abouti et riche en matière d’ouverture sur le monde. Teinté d’une beauté incommensurable, ce long-métrage sans dialogue (1h40 minutes) est une expérience à la fois musicale et visuelle tout comme ses projets précédents. Place à l’émerveillement des sens!
D’emblée, c’est par l’entremise d’un dévoilement élaboré de contrastes culturels, politiques et environnementaux que le documentaire est abordé. On plonge dans l’ère mouvementée dans laquelle nous vivons, à savoir la conservation des traditions aborigènes en passant par les mœurs plus marginales à travers le globe.
Sans aucun doute, la démarche du réalisateur est différente du concept du documentaire classique qui, normalement, passe en entrevue des témoins ou encore des explications de spécialistes déblatérant leur savoir pour renforcer le propos. Contrairement à tout cela, Ron Fricke voulait nous présenter une démarche non pas axée sur un certain intellectualisme souvent associé au genre, mais qu’il s’agisse bien d’une expérience des plus uniques jusqu’à ce jour, laissant aux cinéphiles une place à l’émerveillement. C’est une facette importante du film, à savoir qu’il a désiré imprégner le cinéphile dans une perspective fortement sentie, une ouverture sensorielle plutôt que mentale.
Du coup, ce qui rend Samsara si intéressant, c’est que, bien que l’on sache par l’entremise des médias ce qui se passe aux quatre coins de la planète, ici, on a enfin accès à des endroits nouveaux et jamais aussi bien filmés en autant de détails et de beauté. C’est comme s’il n’y avait plus de frontière entre les pays et qu’on était un Dieu, partout à la fois, omniscient. On est subjugué par une larme qui coule de l’œil d’une Geisha, de l’explosion des libertés sexuelles en Thaïlande avec les Ladyboys, ces hommes qui se transforment en femme et qui représentent 1 % de la population, les Tibétains et leurs rituels, les prisonniers qui exercent une chorégraphie de danse techno, la surconsommation de l’Amérique et des volcans en éruption.
La musique
Samsara apporte en effet son lot d’émotions fortes par une approche musicale sensible, combinant un choix adéquat de musique spirituelle et de musique du monde. Les choix sonores sont riches et contrastent souvent par rapport à l’imagerie présentée. On peut y entendre les compositions originales de Michael Stearns pour ce qui est des «Bali Girls» (avec Bonnie Joe Hunt et Ron Susinger). Stearns y compose plusieurs pièces, mais les plus marquantes demeurent «Pagan», laquelle utilise de magnifiques clochettes, ou encore «Cebu» (la pièce techno en question). Lisa Gerrard, grande compositrice et chanteuse australienne, membre fondatrice du groupe Dead Can Dance, y présente de superbes ambiances. Selon les endroits visités dans Samsara, la musique peut devenir plus urbaine ou très tribale, classique ou expérimentale. Au total, vingt compositions uniques et réalisées par les compositeurs mentionnés plus haut se retrouvent sur l’album original du film. Inutile de vous persuader que l’écoute en vaut fortement la chandelle, disons plutôt que c’est un délice auditif absolu.
Les endroits visités
La liste est exhaustive quant aux endroits explorés et aux sujets traités. Pour n’en nommer que quelques-uns, puisqu’on pourrait écrire plusieurs pages sur les thèmes abordés, on y visite les mœurs et paysages des pays suivants: Angola, Brésil, Chine, Danemark, Égypte, Éthiopie, France, Ghana, Inde, Indonésie, Israël, Italie, Japon, Jordanie, Mali, Myanmar, Philippines, Arabie Saoudite, Thaïlande, Turquie, Émirats arabes unis (Dubaï), États-Unis (Arizona, Californie, New York, Hawaï, Louisiane, Utah, Wyoming) et plusieurs autres!
Au final, ce tourbillon mouvementé d’images ensorcelle et enivre, images tantôt prises par hélicoptère ou bien, toujours pour contraster, zoomées avec précision (macrophotographie), tout en nous faisant voyager sur cinq continents et vingt-cinq pays. L’expérience est si grandiose à la fin que cela en fait une des sorties sur pellicule 70mm les plus marquantes de notre époque. Il faut absolument voir ce film sorti à l’origine en 2012.
Samsara est disponible en magasin au format Blu-Ray et DVD dès le 15 janvier 2013 (il comprend un disque de suppléments de près d’une heure).
Appréciation: ****1/2
Crédit photo: www.barakasamsara.com
Écrit par: Olivier Boivin