«Kukum», une adaptation empreinte d’amour, à voir sur les planches du TNM jusqu’au 15 décembre – Bible urbaine

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«Kukum», une adaptation empreinte d’amour, à voir sur les planches du TNM jusqu’au 15 décembre

«Kukum», une adaptation empreinte d’amour, à voir sur les planches du TNM jusqu’au 15 décembre

Une histoire inspirante où règne le courage de suivre son cœur

Publié le 14 novembre 2024 par Jessica Samario

Crédit photo : Yves Renaud

Dans son roman à succès intitulé «Kukum», l’écrivain et journaliste de renommée Michel Jean propose une version romancée de la vie de son arrière-grand-mère prénommée Almanda. Cette orpheline blanche de quinze ans abandonne sa culture pour s’intégrer à la communauté innue et à la vie nomade après être tombée amoureuse de Thomas Siméon. Mise en scène par Émilie Monnet, l’adaptation sera présentée au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 15 décembre. Pour nous mettre dans l’ambiance de la pièce, nous avons eu la chance de nous entretenir avec trois de ses artistes.

L’amour comme point de départ

Afin de donner vie au puissant roman Kukum, de grands talents se sont réunis, notamment celui de la metteuse en scène anishnaabe Émilie Monnet, artiste multidisciplinaire et fondatrice des Productions Onishka ayant coproduit la pièce avec le Théâtre du Nouveau Monde.

Du côté de la dramaturgie, c’est la plume de Laure Morali qui a su adapter le texte pour offrir un accéléré de la vie d’Almanda au gré des quatre saisons, et ce, avec la collaboration de l’immense Joséphine Bacon. Cette dernière a d’ailleurs été une ressource importante pour représenter la culture innue avec justesse.

«Kukum» de Michel Jean. Libre Expression.

Parmi les interprètes, la lumineuse Léane Labrèche-Dor incarne le personnage principal d’Almanda aux côtés d’Étienne Thibeault dans le rôle de son amoureux Thomas, ainsi que de Jean Luc Kanapé (Malek), Sharon Fontaine Ishpatao (Christine), Emma Rankin (Jeannette et Claude) et Marie-Ève Pelletier (multiples rôles féminins).

«Ça m’a fait réfléchir à tout ce qui s’est perdu au fil des générations, comment, dans ma famille, on s’est sédentarisés et acculturés par la force des choses et par la politique d’assimilation du gouvernement. Cette connexion avec un mode de vie nomade qui était vraiment en symbiose avec les saisons s’est malheureusement perdue pour beaucoup d’entre nous. Notre réalité contemporaine étant de plus en plus urbaine», a commencé Émilie Monnet en ajoutant comment elle avait été touchée par la grande force de l’amour au cœur du roman de Michel Jean.

C’est d’ailleurs l’élément clé de la mise en scène: l’amour entre Almanda et Thomas, mais aussi celui porté à leur territoire, à la culture innue et à sa langue.

De son côté, Étienne Thibeault a surtout eu le plaisir de reconnecter avec ses origines à l’occasion de ce projet théâtral: «Pour moi, c’est une histoire qui résonne avec celle de ma famille. Almanda aurait sûrement vécu au même moment que mon arrière-grand-mère. J’imagine comment les gens vivaient et s’habillaient. Faire le chemin inverse comme ça me permet de remonter à une histoire qui n’est pas si lointaine. C’est très touchant».

«D’abord, c’est d’aller vers l’autre, de ne pas savoir dans quoi nécessairement ça s’inscrit, dans quoi on s’embarque. […] Ce qu’Almanda a accompli est immense, mais ça se fait à petite échelle aussi, dans l’ouverture, l’acceptation, la curiosité et dans l’idée de ne pas se freiner aux différences de culture, d’histoire et de mode de vie. Notre existence peut être améliorée, chamboulée, bonifiée juste parce qu’on sort de ce qu’on connait et qu’on laisse une chance à ce qu’on ne connait pas», a ajouté Léane Labrèche-Dor pour souligner l’inspiration qui a émergé de son personnage.

Michel Jean. Photo: Julien Faugère. Laure Morali. Photo: Marjorie Guidon. Joséphine Bacon. Photo: Florence Cassisi. Émilie Monnet. Photo: Christian Blais. Étienne Thibeault. Photo: Rémy Savard. Léane Labrèche-Dor. Photo: Justine Latour.

L’union de personnalités fort inspirantes

Figure féministe exemplaire, le personnage d’Almanda, bien qu’il soit romancé, porte un courage, une persévérance et une capacité d’adaptation phénoménale. «Ce qui me bouleverse et me chavire le plus, c’est que cette fille de quinze ans, au début du XXe siècle, dans un contexte ni heureux ni facile, a décidé de renoncer au chemin tracé d’avance pour elle et aux idées préconçues qui lui ont été transmises […] Ça m’inspire beaucoup, et j’espère être capable de lui rendre hommage, ainsi qu’à cette grande humanité qu’elle avait», a confié son interprète.

Thomas, quant à lui, suit les traces de son père afin de devenir l’homme de la famille. Il tentera de transmettre les traditions à son tour malgré la perte de leurs repères en raison de la colonisation et de la destruction du territoire qui prennent rapidement de l’ampleur.

«Autant du point de vue de Thomas que de tout le monde, on sent que c’est un temps où le changement est arrivé, outre le fait qu’il peut tomber amoureux d’une blanche. Ensuite, on ne peut plus monter dans le territoire. C’est un moment tournant dans une période où on a toujours connu la vie nomadique et, du jour au lendemain, on ne peut plus passer sur la rivière. La ville se modernise», a raconté celui qui l’incarne.

Ensemble, ils tenteront de défendre à la fois leur territoire et leur communauté.

Afin de vivre une immersion dans la culture innue et de la forêt, le tout nouveau comédien Jean Luc Kanapé et sa conjointe Kim Picard ont invité l’équipe sur le territoire de Pipmuakan, en septembre dernier, pour une résidence d’une semaine. Les interprètes ont eu la chance de répéter sur le territoire afin de s’en imprégner. Pour la metteuse en scène, cette expérience était une manière d’infuser les façons de faire autochtones afin de rendre une ambiance concrète de la vie en territoire. Ces moments partagés dans la forêt, qu’ils et elles considèrent comme enchantée et empreinte de mémoire, les ont non seulement rapproché∙es, mais aussi nourri∙es.

Grand défenseur du caribou, Jean Luc Kanapé a d’ailleurs documenté la cause à travers son balado intitulé Sous les barrages ainsi que son film Atiku, gardien du territoire.

«Kukum». Photo: Yves Renaud

Une immersion de la culture et de la langue au cœur de l’œuvre

Dans un souci d’authenticité et de représentation, la metteuse en scène et la dramaturge ont décidé, dès le départ, d’inclure la langue innu-aimun au spectacle. Pour ce faire, Joséphine Bacon a accompagné les interprètes dans leur apprentissage de la langue et de la culture, pour ceux et celles qui ne les connaissaient pas déjà.

«On parle de la vie dans le territoire à une époque où certaines personnes ne parlaient que l’innu-aimun. Donc, c’était important d’être authentique par rapport à ça. Puis, je trouve que c’est une belle occasion de faire résonner la langue sur une scène à Montréal. Étant donné que plusieurs interprètes sont innus, ils peuvent se représenter eux-mêmes. Ça fait beaucoup défaut, je pense, dans le paysage théâtral québécois canadien», a expliqué Émilie Monnet.

D’origine innue, le comédien Étienne Thibeault nous a fait part de son expérience: «Je n’ai pas grandi avec ma langue, et ça fait même quelques générations qu’on ne la parle plus dans ma famille. Pour moi, c’est un privilège de l’apprendre. […] Mes oncles et mes tantes n’ont pas non plus grandi avec la langue, mais ils l’ont entendue de leurs grands-parents. Ils sont contents et fiers de m’entendre la réapprendre».

«C’est vraiment un processus extraordinaire d’avoir un coaching avec Joséphine Bacon, une artiste et une femme que je respecte énormément. Je n’ai pas beaucoup de choses à dire en innu-aimun dans la pièce, mais je côtoie les autres scènes, les autres interprètes, et je me trouve bien chanceuse de vivre ça», s’est exclamé Léane Labrèche-Dor. «Je pense que l’art est vraiment une bonne façon de commencer à apprendre des langues. Ça incite à comprendre les sonorités et la musicalité. C’est sûr que je vais essayer de continuer mon apprentissage de l’innu a posteriori»!

«Kukum». Photo: Yves Renaud

Des voix à entendre, mais surtout à écouter

Puisque l’œuvre de l’écrivain raconte le point de vue d’Almanda, de ses 15 à 97 ans, il était impératif de choisir des moments phares pour créer une adaptation au théâtre d’une durée d’une heure et de quarante-cinq minutes.

Avec son bagage interdisciplinaire, Émilie Monnet a eu envie d’inclure différentes formes d’art sur scène pour que l’on ressente l’ambiance du territoire. Ainsi, en plus de l’intégration de la langue, des projections vidéo, réalisées par sa sœur Caroline, viennent compléter la proposition scénique. Puis, comparativement au roman, une grande place est dédiée sur scène aux chants traditionnels ainsi qu’à des compositions créées pour le spectacle, le tout orchestré par Mathieu Mckenzie et Kim Fontaine.

«J’espère que ça va donner le goût aux gens d’être de vrais alliés des Autochtones, puisque c’est beau de se rapprocher. C’est dans le dialogue qu’on est capable de changer les choses et de créer un monde plus équitable, plus juste et plus respectueux autant des gens que de l’environnement. J’espère aussi que ça va emmener le public à avoir envie de s’engager et de faire un pas vers l’autre», a conclu la metteuse en scène en invitant le public à laisser libre cours à sa curiosité.

Comme quoi, les arts vivants peuvent être de précieux leviers pour amorcer un dialogue social et ainsi favoriser les prises de conscience collective. Saisissez l’occasion d’ouvrir une nouvelle fenêtre sur le monde!

L’adaptation théâtrale de Kukum, signée Laure Morali, en collaboration avec Joséphine Bacon, et mise en scène par Émilie Monnet, foulera les planches du TNM jusqu’au 15 décembre. Pour choisir vos billets, visitez le site Web du Théâtre du Nouveau Monde. Bon spectacle!

*Cet article a été produit en collaboration avec le Théâtre du Nouveau Monde (TNM).

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