ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Vincent Champoux
La genèse d’une adaptation théâtrale en devenir
L’Assemblée Québec est le produit d’un processus créatif. En effet, la compagnie Porte Parole, qu’on a eu le privilège d’interviewer pour jaser de Projet Polytechnique en novembre 2023, a lancé un appel au public afin de trouver quatre participants de la vie publique aux opinions politiques divergentes – deux à gauche, deux à droite.
Ceux-ci se sont réunis pour discuter des enjeux qui les divisent.
Du côté de la gauche, il y a Rebecca, militante pour Québec Solidaire ayant travaillé pour le parti municipal Transition Québec, ainsi que Dominic, conteur wendat modéré et ancien attaché de presse pour le Parti libéral du Québec. Du côté de la droite se trouvent Steeve, entrepreneur libertarien et occasionnel chroniqueur de CHOI-FM 93.3, de même que Dan, conservateur culturel travaillant en économie sociale.
Les membres des deux camps confrontent leurs idées politiques sur différents enjeux sociaux tels que le racisme systémique, le tramway vs le troisième lien, parmi tant d’autres.
Ces débats avec les gens sélectionnés par Porte Parole ont été enregistrés par la compagnie elle-même. À partir de cet enregistrement, l’équipe de création a mis sur pied une adaptation théâtrale jouée devant public, et c’est ce que j’ai eu la chance de voir tout récemment!
Dans 3, 2, 1… que le débat commence!
Rebecca est jouée par Rosalie Cournoyer (L’œil, Fièvre), alors que Dominic est interprété par Andawa Laveau (Le plongeur, Yahndawa’: Ce que nous sommes). Steeve, quant à lui, est campé par Jean-Philippe Côté (Je me soulève, La paix des femmes) et, pour Dan, c’est Christian Paul (Avant le crash, L’Échappée) qui joue son rôle.
La pièce est divisée sommairement en quatre parties. Nous assistons à une première session de débats qui est infructueux, suivie d’une pause.
Au retour de la pause, les participants du débat sont conviés à prendre part à un exercice: ils doivent écrire une lettre commune au président de la Chambre de commerce et d’industrie du Québec et à un propriétaire de bar de Québec un brin conspirationniste.
Il s’ensuit une période de quinze minutes où le public est invité à prendre la parole. Certains ont, par exemple, parlé du futur qu’ils désirent pour leurs enfants. D’autres ont discuté de féminisme et de politique économique de droite vers la gauche…
Entre-temps, la réponse des deux destinataires, joués respectivement par Rosalie Cournoyer et Christian Paul, n’a pas tardé à arriver.
Quelques mots à propos des débats stériles
L’Assemblée Québec aborde de front la polarisation politique sans offrir de solutions, mettant plutôt l’accent sur la nécessité d’écoute pour progresser vers le bien commun.
La première joute oratoire est volontairement tendue et m’a rappelé le stress relié aux débats stériles que j’ai vécu lors de mon passé comme militant.
Certains personnages m’ont paru plus stéréotypés que d’autres. Le rapport diamétralement d’opposition entre les personnages de Rebecca et de Steeve en est un excellent exemple.
Cette dernière, par exemple, est souvent réprimandée pour son émotivité, bien qu’elle ait elle-même été interrompue à plusieurs reprises lors des échanges, un aspect ignoré par les autres personnages, cela dit. Quant à Steeve, il joue un personnage qui penche par moments dans la cour du polémiste qui se cache derrière la voix du «gros bon sens» pour ne chercher qu’à remporter le débat.
Heureusement, les deux acteurs ont surpassé leurs personnages à l’écrit en réussissant à naviguer entre les écueils: Jean-Philippe laissait vraiment transparaître le bouillonnement de Steeve, et Rosalie a mis la dose d’énergie nécessaire pour animer la passion de Rebecca afin de ne pas trop caricaturer son personnage.
Ainsi, malgré cette simplification de certains traits des personnages dans la première partie, l’intérêt remonte ensuite en flèche avec des scènes davantage équilibrées.
Place au public: au nom de leur propre collectivité
L’Assemblée Québec met en lumière la polarisation sociale actuelle et suscite une réflexion pertinente sur les dynamiques politiques. L’un des moments forts du spectacle a d’ailleurs lieu lorsque le public est invité à débattre de divers enjeux sociaux, ce qui fait émerger toute la portée politique du spectacle et engage des discussions profondes.
De ces discussions est ressortie par ailleurs une grande sagesse du dernier spectateur ayant pris la parole. Pour le paraphraser: «Le changement, ça se fait lentement. Entre-temps, soyons gentils les uns envers les autres».
Comment aller au bout de nos idéaux sociaux?
En somme, ce spectacle souligne avec finesse le malaise lié à des débats politiques et idéologiques souvent infructueux, tout en encourageant une écoute plus attentive de l’autre, ce qui amène le spectateur à confronter les failles de ses propres discours politiques.
La pièce «L'Assemblée Québec» en images
Par Vincent Champoux
L'avis
de la rédaction