ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Thibault Carron
Librement inspiré de l’œuvre Six personnages en quête d’auteur de Pirandello, qui date de 1921, ce texte de Catherine Bourgeois, auquel ont collaboré les interprètes, nous transporte dans le local de répétition d’une troupe théâtrale de création qui cherche son prochain sujet. Les idées fusent, mais il y a toujours des objections morales ou éthiques. L’un des personnages laisse même échapper le classique: «On ne peut plus rien dire…», en boudant.
On assiste donc aux balbutiements du processus créatif, à des tâtonnements qui frôlent parfois le tabou, à des discussions animées entre six personnages, à des leçons de morale, à des négociations, à des plaidoyers passionnés, le tout sous forme d’une longue séance de remue-méninges qui ne débouche sur aucune idée concrète, outre celle d’intégrer une licorne au récit.
On y interroge la notion de privilège, ou plutôt sa hiérarchie.
Les pistes sont intéressantes, mais elles sont multiples, et restent la plupart du temps irrésolues. Il est intéressant de laisser aux spectateurs l’occasion de poursuivre la réflexion, même une fois sortis de la salle, mais cette ouverture et ce refus du parti-pris nous laissent un peu sur notre faim.
On opère donc un survol des enjeux, mais on se prend à regretter que les interprètes neurodivergents ne nous donnent pas un avis définitif sur ces questions qui les touche directement, et qui font souvent partie de débats auxquels ielles sont rarement invité∙e∙s.
Cette pièce de théâtre pose pourtant une question très pertinente: pourquoi ne discute-t-on pas des enjeux liés à l’interprétation de personnes en situation de handicap avec la même fougue que, par exemple, celle qu’on réserve aux personnages trans ou racisés? L’appropriation serait-elle plus douce pour une catégorie de personnes qu’une autre? Fait-on face à une invisibilisation tranquille?
Ce sont des interrogations captivantes qui sont posées par des interprètes passionné∙e∙s qui ouvrent la porte à ce qu’on discute plus adéquatement – et plus souvent – de ces enjeux qui sont bien réels et qui prennent une place plutôt marginale dans l’espace public.
Et rien que pour ça, le propos de la pièce mérite d’être entendu.
La pièce «Cispersonnages en quête d’auteurice» en images
Par Thibault Carron
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