LittératureRomans québécois
Crédit photo : Tous droits réservés @ Montage: Nathalie Slupik
Avant de brûler de Virginie DeChamplain
En 2020, Virginie DeChamplain a été lauréate du prix Jovette-Bernier et finaliste du prix des Rendez-vous du premier roman pour son livre Les falaises, récit du lien rompu entre trois générations de femmes. Elle sera de retour en avril avec un roman qui imagine une post-apocalypse féminine où l’on recueille le présent dans ses plus subtils détails: la profondeur des bleus de la rivière, la texture des premiers bourgeons, les effets de la lumière sur les feuilles des arbres.
Quand vient l’effondrement du monde, sous l’effet des déluges, des canicules et des incendies, deux femmes se rencontrent dans une forêt que les loups ont reconquise. L’une a trouvé refuge avec un compagnon d’exil dans une maison isolée, à l’autre il ne reste que ses trois jeunes enfants épuisés à qui elle veut offrir un lieu où aspirer à plus que se détruire encore.
Toutes deux ont en commun des histoires qu’elles ne sont pas prêtes à raconter.
Lors de leurs marches en forêt, les deux femmes sont protégées par une biche à l’esprit calme qui les suit dans leurs déplacements. La bête va et vient entre leur abri et la clairière aux cadavres. Elle est la dernière de son espèce et sait le cataclysme qui va causer leur perte.
Avant de brûler, Virginie DeChamplain, Éditions La Peuplade, 3 avril, 26,95 $.
Salade de fruits de Cathon
Cathon, autrice et artiste prolifique ayant derrière sa ceinture de nombreux titres qui ont su amuser le Québec en entier tels que Les ananas de la colère et Mimose et Sam, a également partagé durant plusieurs années de courtes bande dessinées inspirées de son quotidien sur les réseaux sociaux. Salade de fruits collectionne ces planches, les transformant en un recueil bien juteux.
Que ce soit au tiki-bar, dans un festival BD, dans sa cuisine ou simplement en promenade dans les rues de Montréal, Cathon nous invite à l’accompagner dans sa vie de tous les jours, telle une meilleure amie au sens de l’humour délicieux.
Comme le dessert du même nom, Salade de fruits est un heureux mélange dont on se régale, un recueil de strips extra cerises.
Salade de fruits, Cathon, Éditions Pow Pow, 3 avril, 19,95 $.
La soif que j’ai de Marc-André Dufour-Labbé
Après la publication d’un premier roman jeunesse en 2023 intitulé Carreauté Kid, Marc-André Dufour-Labbé s’attaque cette fois à la littérature pour adulte avec un roman qui se déroule à Sherbrooke.
Boucher s’occupe seul de Flavie, sa fille d’un an. Reconverti en vendeur de voitures, il arrondit ses fins de mois en livrant de la drogue dans une résidence pour personnes âgées de la rue Galt.
Entre les biberons et une transaction louche, il lève le coude avec ses chums, dont il gère la vie sentimentale. Mais la DPJ menace de lui enlever son enfant et il doit choisir: prendre le droit chemin ou le champ.
Crue et vraie, la descente de Boucher expose les secrets d’hommes laissés à eux-mêmes, à l’étroit dans leurs rêves.
La soif que j’ai, Marc-André Dufour-Labbé, Le Cheval d’août, 26 mars, 25,95 $.
Garçon désamorcé de Gabriel Kunst
Gabriel Kunst est docteur en études littéraires, poète et traducteur. Garçon désamorcé, son premier roman, succède à ses recueils Les cœurs de pomme et leur syntaxe et Nos photosynthèses et à l’essai Quand les spectres prennent la parole: échos beckettiens chez Christophe Tarkos.
Né dans une « famille d’enfants morts », le narrateur de Garçon désamorcé tente de se libérer des tragédies qui parsèment son arbre généalogique.
À l’aube de la trentaine, il se fait jouer des tours par sa colonne vertébrale, ses genoux et ses jointures, par sa tête et son estomac, mais il survit, il résiste; face à la mort et ce qu’il croit être son destin, oui, mais aussi face à un monde qui intègre difficilement les personnes autistes comme lui et duquel il voudrait parfois, d’une façon ou d’une autre, se soustraire.
Plus qu’un livre sur la neurodiversité, Garçon désamorcé est un roman où l’autisme informe le fonctionnement de la prose d’un bout à l’autre, mimant le langage et la pensée autistiques et permettant de donner une voix à une expérience du réel décalée.
Garçon désamorcé, Gabriel Kunst, Éditions Poètes de brousse, 19 mars, 26,95 $.
Un certain art de vivre de Dany Laferrière
Dany Laferrière, dont la réputation n’est plus à faire, nous présente ici son art de vivre. Sous forme de maximes, de réflexions commentées, de rêveries, voici cent pages de sagesse pour grands enfants. Une fois placés bout à bout, ces courts textes forment un autoportrait naïf de l’académicien, semblable à une fresque enfantine.
Dans ce livre de sagesse où rayonnent maximes, réflexions, rêveries, haïkus comme autant de touches de couleur, Dany Laferrière dessine un autoportrait qui a la naïveté, le charme et la spontanéité d’un dessin d’enfant.
Un certain art de vivre se lit et se relit lentement, se savoure comme un après-midi de pluie par une chaude journée d’été, et nous fait entendre dans chacun de ses mots le cœur battant de la vie.
Un certain art de vivre, Dany Laferrière, Éditions du Boréal, 12 mars, 22,95 $.
Te souviens-tu de ta naissance? de Sean Michaels
Avec son tricorne, sa cape et son Pulitzer, Marie-Anne Ffarmer est la poétesse la plus célèbre de son époque. Mais quelle est la signification d’une vie radicalement consacrée à l’écriture?
C’est la question inattendue qui surgira des interactions de Marie-Anne avec Charlotte, une intelligence artificielle programmée pour générer la poésie. Chargée de collaborer avec elle pour composer un poème censé démontrer la puissance créative de la machine, Marie-Anne se retrouve confrontée à l’envoûtement et aux risques de la technologie, mais aussi à des dilemmes profondément humains.
Ses conversations avec Charlotte la ramènent à ses souvenirs et aux choix difficiles qu’elle a faits pour protéger son travail, soulevant la question qui se pose à toute personne désirant consacrer sa vie à l’art: faut-il s’isoler pour créer?
Sean Michaels, chroniqueur musical dont les romans Corps conducteurs et Les coups de dés (tous deux traduits par Catherine Leroux aux Éditions Alto) ont beaucoup fait parler d’eux, a fait usage de l’intelligence artificielle pour écrire une partie de Te souviens-tu de ta naissance?: en résulte davantage qu’une réflexion sur la place de la technologie en art. Il s’agit d’une méditation sur notre rapport aux autres, sur l’équilibre entre la construction de soi et le don de soi, et sur ce qui nourrit l’élan littéraire.
Te souviens-tu de ta naissance, Sean Michaels, Éditions Alto, 12 mars, 30,95 $.
Je vous demande de fermer les yeux et d’imaginer un endroit calme de Michelle Lapierre-Dallaire
Très remarquée à la parution de son premier récit d’autofiction, Y avait-il des limites si oui je les ai franchises mais c’était par amour ok, Michelle Lapierre-Dallaire poursuit son œuvre bouleversante avec un second récit tout aussi poignant, percutant, féministe et poétique.
Je vous demande de fermer les yeux et d’imaginer un endroit calme est une déclaration d’amour à toutes les femmes, et en particulier à celle qui a été tout pour elle: unique, magnifique, explosive et terrible. Sa mère.
Partant de ce rapport amoureux fondamental avec la mère, l’autrice explore l’évolution de son identité queer, la complexité des sororités, les multiples visages du désir et la difficulté de s’affranchir des hommes.
L’amour pour une mère ne peut être expliqué: c’est ce que cette autofiction démontre.
Je vous demande de fermer les yeux et d’imaginer un endroit calme, Michelle Lapierre-Dallaire, Éditions La Mèche, 12 février, 22,95 $.
Ce désir me point de Claire Legendre
Reprenant la forme employée dans Le nénuphar et l’araignée, où elle s’interrogeait sur les peurs, l’écrivaine et professeure de création littéraire Claire Legendre s’intéresse dans cette nouvelle œuvre au désir, sous chacune de ses formes: le désir sexuel, celui de plaire, de possédé, d’être possédé ainsi que le désir d’influence. Des désirs qui se rejoignent et se croisent, en l’absence et en l’attente d’un nouvel amour.
C’est à partir de sa propre expérience du célibat durant une dizaine d’années consécutives que l’autrice puise ses réflexions sur les deux facettes du fantasme, la force vitale et le manque, et sur les chemins sinueux du désir. Elle passe en revue chaque remède moderne au mal-être de la solitude, prétendant tout régler en l’espace d’un clic ou d’un balayage vers la droite, tels que la consommation et les applications de rencontres.
Elle s’intéresse également à l’hégémonie contemporaine de l’influence, industrie construite autour du désir et de l’envie: quelle possibilité de choisir nous reste-t-il lorsqu’on se détache de la mythologie romantique, de l’héritage familial et des injonctions transmises par les réseaux sociaux?
Un essai dont la franchise et la lucidité sont désarmantes et profondément libératrices.