LittératureDans la peau de
Crédit photo : Hélène Leclerc
Hélène, c’est un plaisir de faire votre connaissance! Il y a déjà près de vingt ans que le haïku, ce poème d’origine japonaise popularisé pour sa forme brève et la charge de sensations qu’il suscite, a croisé votre route. Dites-nous, comment en êtes-vous venue à développer une passion particulière pour ce style de poésie?
«C’est en naviguant sur le Web à l’hiver 2005 que, de clic en clic, je me suis retrouvée sur un site où l’on pouvait lire des haïkus d’André Duhaime, l’un des pionniers du genre au Québec. Mon émotion a été instantanée! La brièveté de ce genre poétique m’a tout de suite fascinée ainsi que ses mots simples et sa fulgurance. Je me suis profondément reconnue dans la façon qu’a le haïku de s’émerveiller devant les petites choses du quotidien.»
«Je connaissais vaguement l’existence des haïkus et je croyais que c’était une poésie pratiquée seulement par de grands maitres japonais du XVIIe ou du XVIIIe siècle. Je ne savais pas qu’il s’en écrivait encore aujourd’hui, et ma surprise a été totale lorsque j’ai appris que les Éditions David, situées à Ottawa, avaient une collection dédiée exclusivement à cette forme de poésie.»
À ce jour, votre activité littéraire a fait des petits: vous avez publié cinq recueils aux Éditions David, en plus d’avoir codirigé quatre recueils collectifs, parmi lesquels trois ont été réalisés en collaboration avec le bien-aimé poète québécois André Duhaime. Parlez-nous brièvement de ces thématiques qui font vibrer votre cœur depuis toutes ces années?
«La nature et le grand cycle des saisons sont au cœur du haïku classique, ces grands thèmes font partie de l’ADN de cette forme de poésie et ils sont une source d’inspiration encore très présente dans mes écrits: le fleuve et ses oiseaux de mer, les arbres et le vent qui les anime, et la lumière du printemps qui inonde une chambre. Cela dit, le haïku est une poésie du quotidien; il est naturel et, à mon avis, même essentiel, d’y retrouver le reflet de notre réalité contemporaine, de notre mode de vie.»
«Par exemple, on retrouve ici et là, dans mes recueils, l’autoroute 20 et ses embouteillages, des nids-de-poule et même des cônes orange… Je m’inspire parfois de mes activités devant les écrans: clavier, souris et GPS. À mes débuts, j’ai même codirigé, avec André Duhaime, un collectif pour ados dont le thème était les nouvelles technologies. L’année suivante, on récidivait avec un recueil ayant pour thématique les sports.»
Votre plus récent recueil, Le plus petit poème au monde: introduction au haïku suivie d’une anthologie, est disponible en librairie depuis le 5 mars. Ce livre de 208 pages, à la fois chaleureux, limpide et coloré, est destiné autant aux adolescent∙e∙s qu’aux adultes, et se veut une introduction au haïku pour celles et ceux qui souhaitent en apprendre plus sur son histoire et ses principales caractéristiques. En prime, vous présentez une anthologie qui regroupe les textes d’une cinquantaine de haïkistes du Québec et de la francophonie canadienne pour «illustrer la richesse et l’étonnante polyvalence du plus petit poème au monde». Parlez-nous de cet ouvrage et de ce qu’il représente pour vous.
«À quelques jours de sa parution, j’avoue que je suis fébrile. Ce livre dans lequel je me dévoile beaucoup revêt une importance particulière à mes yeux. Je l’ai écrit pour toutes ces personnes qui cherchent à s’initier à cette forme de poésie, que ce soit pour en écrire ou simplement pour mieux en saisir l’esprit. L’idée n’était pas de créer un guide théorique où l’on n’y retrouverait qu’une série de règles. Je souhaitais que les lecteurs et les lectrices ressentent la passion qui m’anime quand je parle du haïku; je voulais que l’émerveillement qui m’habite vibre entre les lignes.»
«C’est avec beaucoup de reconnaissance que je remercie tous les haïkistes qui ont accepté que je reprenne un ou plusieurs de leurs haïkus dans la partie anthologie. C’était important, pour moi, qu’ils fassent partie de cette aventure, ne serait-ce que pour faire connaitre l’extraordinaire talent des haïkistes d’ici.»
Votre réelle passion pour cette forme de poésie vous a même donné l’élan d’aller à la rencontre des jeunes dans les écoles, où vous animez régulièrement des ateliers d’écriture sur le haïku. Dites-nous-en plus: on est curieux de savoir si vos élèves sont sensibles à cet art!
«J’ai commencé à animer des ateliers d’introduction au haïku dans les écoles il y a une quinzaine d’années, autant au primaire qu’au secondaire, et plus récemment au niveau collégial. Je remarque que les jeunes qui ont l’habitude de performer académiquement ne sont pas nécessairement ceux qui ont le plus de facilité à saisir l’essence de cette poésie.»
«Ça me touche beaucoup de pouvoir offrir des ateliers qui répondent à un autre type de compétence que celles qui sont habituellement mises de l’avant dans le milieu scolaire. Les rôles sont soudainement inversés: ceux et celles qui pensent en dehors de la boîte deviennent ceux et celles qui saisissent le mieux la matière.»
«Je me rappelle les élèves d’une classe qui avait spontanément applaudi lorsqu’un jeune avait lu les haïkus qu’il venait d’écrire. Profondément émue, l’enseignante m’avait confié, à la fin de l’atelier, que c’était un élève qui peinait à avoir la note de passage.»
Et si on vous demandait de laisser libre cours à votre imagination pour nous offrir un haïku, celui qui vous vient à l’esprit, afin de transmettre votre amour pour ce minuscule poème, ça vous dirait? Vous pouvez aussi sélectionner le haïku de votre choix tiré de l’un de vos recueils! Une chose est sûre, il y a fort à parier que vous allez réussir à « enrôler » de nouveaux adeptes!
corde à linge
le vent tente d’enfiler
un pantalon
Lueurs de l’aube, Éditions David, 2007, p. 64.
trafic du matin
dans le champ la brume
dort encore
Entre deux ciels, Éditions David, 2017, p. 19.
presque le soir
entre l’arbre et la mer
le chuchotement du vent