LittératurePolars et romans policiers
Crédit photo : Couverture: Dorian Danielsen. Montage: Canva
Mais il n’y a pas que le hasard qui fait bien les choses. Il y a le talent aussi. Et s’il y a bien une force que je reconnais en l’écrivain qu’est devenu Martin Michaud au fil des ans – disons qu’il a pris du galon depuis L’effet Placebo et autres textes – c’est sa capacité à tisser une trame narrative diablement efficace qui s’ancre, avec cette nouvelle parution, dans une fiction qui évolue en trois temps: 1972, 1992 et 1997. Et on ne perd jamais le Nord.
Et bien sûr, à l’instar d’un portraitiste face à son modèle nu, Michaud a le don d’attribuer des motivations et des émotions qui définissent ses personnages… comme s’il lisait à travers leur regard.
Vous vous dites sûrement qu’un protagoniste comme Victor Lessard, ça ne se remplace pas si facilement? Eh bien, Agatha Christie s’en est très bien tirée dans plusieurs de ses romans sans son Hercule Poirot, et Maud Graham n’a pas toujours été une héroïne indispensable à Chrystine Brouillet!
Et la beauté avec le changement, c’est qu’on apprend à cultiver le détachement, et c’est une bonne chose pour chacun de nous, dans un sens.
Dans ce premier tome, celle qui tient les ficelles de l’enquête se nomme Alice Lavoie. C’est une jeune patrouilleuse de la Sûreté du Québec. Laissez-moi vous dire qu’elle récolte d’emblée notre sympathie lorsqu’on la voit se démener corps et âme pour retrouver sa petite Rosalie.
L’élément perturbateur au centre de ce récit? L’enlèvement de Rosalie Lavoie, 7 ans, petite sœur d’Alice et d’Étienne, et la plus jeune de Bertrand et Clara, lesquels, je vais le dire ainsi, se sont aimés dans une autre vie. Elle, c’est une artiste-peintre de renommée, lui, un «simple» galeriste vivant dans l’ombre de la «grande» artiste.
Un drôle de courant d’air siffle entre eux deux, comme si, à travers cette froide indifférence qu’ils se manifestent l’un envers l’autre, ils étaient unis par le poids d’un lourd secret…
…lourd secret qui se révélera à nous… mais pas tout de suite!
Et comme si le portrait de famille n’était pas suffisamment garni, on fait également la connaissance, en parallèle, d’une jolie bande de faussaires, dont les membres, Simon et Francis, ainsi que la jeune Alma, traînent eux aussi dans la bouette leurs secrets inavoués. Ces derniers vivent à proximité de la résidence des Lavoie à Baie Saint-Paul.
Drôle de coïncidence pareil.
Très vite, on devine que ces gens sont comme chats et souris et qu’une rancœur règne en eux à l’instar d’un mal de cœur persistant.
Que dire de plus sur Points de fuite? Rythmiquement, c’est tout en crescendo, les chapitres s’enchaînent aussi vite que la trotteuse poursuit son tour du cadran, les motivations des personnages prennent des allures pas très rassurantes plus le récit avance, et nous, eh bien, on désespère de plus en plus de retrouver la petite Rosalie vivante…
Ce n’est pas reposant comme thriller. Tant mieux dans un sens. Notre hâte de lire la suite n’en sera que décuplée!
Points de fuite, t.1 de Martin Michaud, Libre Expression, 10 octobre 2023, 467 pages, 32,95 $.
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