Littérature
Crédit photo : Gallimard Jeunesse
Tim Probert est un artiste aux multiples chapeaux: tantôt coloriste, illustrateur, directeur artistique d”Aardman, un studio d’animation indépendant, et bédéiste.
Traduit de l’anglais, Lightfall T.1: La Dernière Flamme, est parue en français chez Gallimard en juin 2021 et a remporté le Prix des libraires du Québec en 2022. Sa suite, Lightfall T.2: L’ombre de l’oiseau, est sortie à son tour en septembre 2022.
Un univers chaleureux et invitant
Ce qui frappe d’abord et avant tout lorsqu’on feuillette pour la première fois les pages de Lightfall, ce sont les couleurs chaudes et éclatantes des dessins aux traits ronds quelques peu enfantins, dont la bonhomie laisse supposer une histoire joyeuse.
Les planches rappellent immédiatement l’univers des studios Ghibli, par le grandiose et caressant de leurs paysages de nature. Les personnages mi-animaux, mi-créatures fantastiques et mi-humains, comme le grand-père de Béa qui est un Cochon humanoïde (et un sorcier, de surcroît), ou encore Cad le Galdurien, aux allures d’homme-grenouille, contribuent également à ce sentiment d’être tombé tête première dans Mon voisin Totoro.
Si ce n’est pas une histoire aussi gaie qu’un premier regard le laisse penser, il y a toutefois beaucoup d’humour et de légèreté dans l’histoire de Béa et Cad, transmis surtout par l’entremise ce dernier: sa capacité à garder le sourire même lorsqu’on s’apprête à le faire rôtir sur le feu est irrésistiblement drôle.
Lightfall s’inscrit avec aisance dans la lignée des aventures épiques qui prennent sans cesse par surprise à mesure que les rebondissements font voyager les deux héros. Cependant, à travers ce divertissement, Tim Probert tente de faire réfléchir à des questions plus sérieuses.
Cela se concrétise davantage à travers le deuxième tome de la série, où le lecteur apprend que le soleil s’est éteint par la faute du peuple d’Irpa et de son ingratitude; un commentaire discret mais clair sur le traitement que les humains réservent aux merveilles que leur offre la nature.
Un habile jeu d’ombre et de lumière s’opère également entre les méchants et les héros, dont les apparences sont parfois trompeuses: si les héros sont bien intentionnés, leur peur et leur ignorance font naître en eux une haine qui s’avère être le véritable mal dont souffre Irpa. L’oiseau Kest, l’antagoniste dont l’ombre est mentionnée dans le titre de Lightfall T.2, a lui aussi bien des secrets à révéler.
Quant à Béa, elle traverse, au fil des pages des deux tomes, une quête identitaire bien traditionnelle: gouvernée par ses peurs, elle prend peu à peu confiance en elle et ouvre ses ailes pour laisser toute la place à son courage, son sens de l’intuition et sa loyauté envers ses amis. L’auteur parle de son trouble anxieux avec une grande sensibilité, représentant l’anxiété par un brouillard noir qui se dissipe lorsque Béa reprend le dessus sur ses craintes.
Et c’est là que le grand talent de Tim Probert se révèle: les aspects plus graves et sombres se fondent parfaitement dans la magie de l’histoire, laquelle demeure, après tout, davantage destinée aux enfants de 9 ans et plus qu’aux adultes. Ainsi, il signe une œuvre accomplie et d’une grande profondeur qui saura toucher un public très large.
Lightfall T.2: L’ombre de l’oiseau se termine sur une note encore plus angoissante que son prédécesseur. Il faudra cependant être patient, car le suspense n’est pas prêt de se résoudre: le tome 3 de Lightfall est seulement en cours d’écriture pour l’instant.
Une attente qui, cela va sans dire, en vaut tout à fait la peine.
L'avis
de la rédaction