«L'entrevue éclair avec...» Grégoire Hellot, directeur général des éditions Kurowawa – Bible urbaine

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«L’entrevue éclair avec…» Grégoire Hellot, directeur général des éditions Kurowawa

«L’entrevue éclair avec…» Grégoire Hellot, directeur général des éditions Kurowawa

Les mangas ont pris d'assaut l'occident... pas seulement le Japon!

Publié le 20 septembre 2022 par Éric Dumais

Crédit photo : Tous droits réservés @ Kurokawa

Dans le cadre de «L’entrevue éclair avec…», Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur sa personne, sur son parcours professionnel, ses inspirations, et bien sûr l’œuvre qu’il révèle au grand public. Aujourd’hui, on a jasé avec Grégoire Hellot, directeur général des éditions Kurowawa, afin de mieux comprendre le phénomène que sont devenus les mangas, ces bandes dessinées avec leurs propres codes de narration et de fabrication qui se sont développées à la fin du XIXe siècle au Japon. Prêt∙e à en savoir plus sur ce phénomène qui a pris d'assaut l'occident? C'est parti!

Grégoire, c’est un réel honneur d’échanger avec vous! Vous êtes directeur général des éditions Kurowawa, l’un des plus gros éditeurs de mangas en France, notamment des séries à succès Pokémon, Spy x Family ou encore Full Metal Alchemist. Parlez-nous brièvement de votre parcours professionnel, d’hier à aujourd’hui, et de l’origine de votre passion évidente pour le manga, cette bande dessinée japonaise développée à la fin du XIXe siècle au Japon.

«Bonjour, et merci de m’avoir invité! Tout d’abord, je me dois de vous dire que le manga n’a pas toujours été une évidence pour moi, du moins en des termes professionnels.»

«J’ai, comme tous les gens de ma génération, découvert la pop culture japonaise à travers l’arrivée des premiers dessins animés à la télévision dans les années 70, comme Goldorak. Et de manière assez classique, j’ai tout de suite été fasciné par ces univers incroyablement colorés et tellement différents de ce que l’on nous proposait jusqu’alors.»

«J’ai continué mon enfance accompagné de ces héros japonais jusqu’au lycée où, suite à quelques péripéties, je me suis retrouvé à écrire des piges pour un magazine de jeux vidéo. Je suis très vite devenu le journaliste attitré pour tout ce qui concernait les sujets japonais. Et c’est au cours de mes nombreux voyages que j’ai été amené à découvrir les mangas au format papier.»

«Après avoir quitté le secteur des magazines en 2003, j’ai rapidement été contacté par la société Univers Poche, qui cherchait alors un spécialiste du Japon afin de lancer une collection de mangas. Et il semble que j’étais l’homme de la situation, puisque j’en suis aujourd’hui le directeur.»

La France est devenue le deuxième pays consommateur de mangas au monde après le Japon, et la preuve, 2018 a été une année record, puisque vous avez vendu à cette époque 16 millions de mangas, une donnée spectaculaire que vous aviez confiée à Mathilde Munos lors d’une interview sur France Inter la même année. Et alors, quatre ans plus tard, quelle part du marché occupent les mangas, et quel est le profil du lecteur type?

«Je n’ai pas encore les chiffres pour l’année 2022 au global, mais en 2021, nous avons encore battu des records avec plus de 50 millions de mangas vendus en France, soit plus d’une bande dessinée sur deux, ce qui est gigantesque!»

«Il est par contre difficile de déterminer un nombre total de lecteurs, mais je peux vous dire qu’environ 50% d’entre eux sont âgés de 14 à 24 ans.»

Comment expliquez-vous le succès monstre qu’a connu le manga au cours des dernières années? Profitez-en peut-être pour nous dire ce qui le rend si unique en soi et ce qui fait en sorte que sa «recette magique» attire autant les amateurs?

«Les facteurs de succès sont nombreux et ils s’additionnent. Tout d’abord, le prix, bien sûr, mais aussi le propos, car si d’une manière générale il existe des mangas destinés à tous les âges, c’est bien la production adolescente et post-adolescente qui domine le marché.»

«Il s’agit en fait d’une tranche d’âge qui, en occident en tout cas, n’a pas toujours forcément eu les faveurs des fictions, car la plupart des œuvres de divertissement ont plutôt été conçues pour les adultes ou les enfants. Enfin, le confinement a bien sûr joué avec la popularité grandissante des différentes plateformes vidéo sur lesquelles sont disponibles de très nombreuses séries animées tirées des mangas.»

«Les spectateurs ont donc pu découvrir et se plonger dans des univers qu’ils ont ensuite souhaité retrouver au format papier.»

De Corée du Sud – mais pas que! – nous vient aussi le phénomène webtoon, un digital comic surnommé «manhwa», qui a été créé pour être lu sur le Web à partir d’un ordinateur ou d’un téléphone cellulaire, par exemple. Comment ce genre se différencie-t-il du manga, au juste, et en quoi il se démarque?

«Contrairement au manga que l’on pourrait définir comme une bande dessinée japonaise avec ses propres codes de narration et de fabrication, le webtoon, quant à lui, est un nouveau mode d’expression né du besoin d’exister sur une nouvelle plateforme. C’est un nouveau média avec ses formes de narration spécifiques, pensées pour le smartphone, qui a pu exploser grâce à l’omniprésence des téléphones portables.»

«On va retrouver des inspirations tirées du manga au niveau des scénarios ou de l’identité graphique pour certains auteurs, mais il existe aussi un bon nombre de webtoons qui, graphiquement parlant, ne ressemblent en rien à des mangas.»

«Ce sont donc deux choses différentes, mais qui coexistent au sein de la même galaxie de la pop culture moderne.»

Pour nos lecteurs qui désirent ouvrir leurs horizons et mieux apprivoiser les mangas, dites-nous donc ce que les éditions Kurokawa mijotent de bon ces temps-ci! Quelles séries surfent toujours sur une vague de popularité grandissante, et quelles sont les nouveautés qui brillent dans vos rayons? On est curieux!

«Je pourrais bien entendu vous parler du succès absolu et numéro un des ventes de livres en cette rentrée 2022 qu’est Spy X Family, une superbe comédie familiale dont le succès s’explique, en plus de sa grande qualité, par l’universalité de son propos, qui permet au plus grand nombre de le lire sans même en connaître les codes de narration – parfois très particuliers – du manga.

Mais je préfère attirer votre attention sur l’adaptation en mangas d’Arsène Lupin, réalisée par Takashi Morita, grand spécialiste et admirateur de Maurice Leblanc.»

«J’aimerais aussi faire découvrir à vos lecteurs notre prochaine sortie en octobre prochain, Call of the Night de Kotoyama. Véritable coup de cœur de toute l’équipe, il s’agit d’un récit d’éveil sentimental très urbain et original dans lequel un jeune garçon de 14 ans découvre les mystères de sa ville la nuit en compagnie d’une vampire qui jure comme un routier, mais qui rougit dès qu’on parle d’amour. Les dessins superbes font la part belle à de grandes fresques nocturnes urbaines dans lesquelles la ville et ses bâtiments sont des protagonistes en eux-mêmes de l’histoire.»

Pour lire nos précédents articles «L’entrevue éclair avec» et faire le plein de découvertes, consultez le labibleurbaine.com/nos-series/lentrevue-eclair-avec.

*Cet article a été produit en collaboration avec Interforum Canada.

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