Littérature
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«Sarclage»: un coup de cœur entre poésie et horreur
Le premier roman graphique de Geneviève Lebleu, Sarclage, est poétique et dérangeant comme un mauvais rêve. Dans son pavillon de banlieue, Martine reçoit des amies pour prendre le thé. Mais voici que Rose, une amie dont Martine s’était éloignée, arrive un peu par surprise. Puis, c’est au tour de Cécile, la sœur de Martine, dont personne n’avait eu de nouvelles depuis des années, de pointer son nez dans le bungalow.
Martine sort dans son jardin cueillir des fleurs pour préparer une infusion, mais de drôles de plantes sont apparues dans les parterres…. Des plantes qui prennent possession et qui se nourrissent de celles qui s’en approchent et les ramassent.
Cécile est-elle vraiment Cécile? Et Martine est-elle toujours elle-même? Un monde irréel où la frontière entre cauchemar et réalité s’atténue et s’ouvre pour les protagonistes.
Cette bande dessinée en noir et blanc, au premier abord innocente — un thé entre amies — prend rapidement des tournures psychédéliques et flirte ouvertement avec l’horreur, celle des souvenirs traumatiques déguisés en parterres de fleurs.
L’ouvrage devient alors poétique et douloureux, une fable à l’odeur suave mais dont il faut se méfier. Avec sa narration rondement menée et son univers fantasmagorique, Sarclage est le coup de cœur de cette revue de bandes dessinées.
Sarclage de Geneviève Lebleu, Pow Pow, 2022, 102 pages, 21,95 $.
«Mythes et Meufs»: déconstruire le patriarcat, un mythe à la fois
Cet ouvrage, qui flirte entre la bande dessinée et l’album illustré, propose d’analyser sous un angle féministe (et avec une bonne dose d’humour) les grands mythes qui ont marqué l’histoire de l’Europe.
D’origine française («meuf» signifie «femme» en verlan), son autrice Blanche Sabbah s’est fait connaître grâce à un compte Instagram engagé, La nuit remue Paris, qui rassemble près de 90 000 abonnés.
Dans Mythes et Meufs, Blanche Sabbah décrypte et déconstruit les histoires qui ont bercé notre enfance et qui marquent encore nos cultures occidentales. Et il y en a pour tous les goûts: la mythologie gréco-romaine, avec par exemple Méduse ou les Amazones, les personnages bibliques, comme la reine de Saba, des contes et légendes avec la Reine des neiges (libérééééééée, délivrééééée), ou encore les épouses de Barbe Bleue, ainsi que des figures historiques, telles que Jeanne d’Arc ou Pocahontas.
Leurs histoires sont présentées via de courtes bandes dessinées colorées et dessinées avec vivacité, mises en scène avec un humour cinglant. Suit une double page d’analyse sur l’impact de ces récits sur les imaginaires collectifs. Le tout est complété par des idées de lectures ou de balados visant à approfondir le sujet.
C’est un chouette album qui mêle histoire et féminisme avec humour et intelligence.
Mythes et Meufs de Blanche Sabbah, Dargaud, 2022, 136 pages, 32,95 $.
«Utown»: bienvenue dans le royaume de la gentrification
Dessinée par Cab et publiée par Nouvelle Adresse, Utown est une bande dessinée sympathique qui dévoile les enjeux humains de la gentrification.
Elle raconte l’histoire de Sam, un artiste et commis d’un club vidéo, qui essaie autant que possible d’éviter toutes les contraintes et les responsabilités de la vie d’adulte. Sam vit dans Utown, un quartier défavorisé où l’entraide règne entre bums. Mais la gentrification guette Utown. D’abord, un café branché ouvre ses portes. Bientôt, un développeur achète le bloc où résident Sam et ses voisins marginaux afin de le détruire et d’en faire des condos.
D’abord publiée sur Internet par son autrice, la BD Utown a conquis le cœur des internautes grâce à ses personnages attachants et son propos social. La publication en albums lui assure la pérennité et une plus grande accessibilité.
Utown est une BD sympathique qui aborde de manière personnelle les problèmes de la gentrification et de l’accès au logement. Les ressors narratifs sont un peu convenus et sans grandes surprises, mais la lecture de l’album n’en demeure pas moins agréable et plaisante.