LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Trevor Leighton
Monsieur Boyd , nous sommes curieux de savoir: d’où vous est venue la piqûre pour la littérature?
«Bonne question! Je pense qu’à mes 18 ans, j’ai commencé à me demander ce que je souhaitais faire pour le reste de ma vie. L’idée, celle d’être un artiste, m’est venue spontanément. J’avais cette conviction que je serais malheureux dans une profession de “petit bourgeois”. C’était une bien étrange conclusion, car je ne connaissais aucun artiste moi-même, et les membres de ma famille provenaient tous de la classe moyenne – docteurs, dentistes, ingénieurs, fermiers.»
«J’ai dit à mon père que je voulais aller dans une école d’arts – mais il m’a refusé cette option. Donc, par instinct, j’ai opté pour la littérature et décidé que, si je ne pouvais pas devenir peintre, j’allais devenir romancier. Cependant, je n’avais absolument aucune idée de comment j’allais y arriver, alors j’ai dû trouver comment. Et, comme ça devait arriver, j’ai instinctivement fait le bon choix.»
Outre les 16 romans que vous avez écrits et qui ont été primés à de nombreuses reprises, vous avez également rédigé des nouvelles, des essais et des pièces de théâtre. Qu’aimez-vous particulièrement dans le fait d’explorer des genres littéraires aussi diversifiés?
«Les romans et les recueils de nouvelles font tous deux partie de ma vocation comme auteur de fiction. Mais j’ai toujours été attiré par la collaboration – ce qui explique pourquoi, aussitôt que j’ai pu, j’ai commencé à travailler dans le domaine du cinéma et de la télévision – et, plus récemment, au théâtre. Ces collaborations artistiques ont existé à la façon d’une vie parallèle à ma carrière de romancier.»
«Je trouve cela très stimulant, car j’adore travailler avec les gens. À travers ma carrière de romancier, j’ai ma parfaite autonomie, mais je sens que c’est bien pour moi de participer à des formes d’art collaboratives. J’apprends beaucoup!»
Votre roman Trio est paru ce 23 juin aux Éditions du Seuil. Vous plongez vos lecteurs dans le Brighton des années 1960 et, plus précisément, dans une station balnéaire où trois personnages réunis pour les besoins d’un film s’avèrent avoir une double vie et des secrets bien cachés derrière des apparences trompeuses. D’où vous est venue l’inspiration pour cette histoire, en fait?
«Je suis devenu très intéressé par l’idée que tout le monde a une vie privée, personnelle et secrète à laquelle eux seuls ont accès. Et jusqu’où cette vie entièrement secrète peut influencer ce qu’on pourrait appeler l’âme d’un individu ou l’essence d’une personne.»
«Chacun des trois protagonistes au centre de Trio cache quelque chose au monde et aux autres. Lentement mais sûrement, leurs identités secrètes commencent à écraser leurs identités partagées publiquement. Je pense que ce genre de dilemme, cette crise existentielle, est quelque chose que tout le monde peut comprendre.»
Pouvez-vous nous parler davantage de la trame narrative du roman et des péripéties qui attendent ces trois personnages? On est également curieux d’en savoir un peu plus sur leurs profils psychologiques!
«Je pense que la clé pour comprendre les tensions que mes trois protagonistes expérimentent se trouve à travers l’épigraphe d’Albert Camus que j’ai citée au début du roman, à savoir: si tu décides que ta vie ne vaut pas la peine d’être vécue, alors que vas-tu faire? Chacun des trois personnages de Trio en vient à se faire une opinion quant à cette question. Deux d’entre eux réussiront à trouver une espèce de rédemption – la vie vaut la peine d’être vécue –, mais pour l’autre, la réponse est davantage sombre et dramatique».
Enfin, si l’occasion se présentait pour vous de profiter d’un repas savoureux avec un.e auteur.e que vous avez toujours admiré.e, vivante ou décédé.e, qui choisiriez-vous et de quoi souhaiteriez-vous parler avec cette personne?
«Il y a trop d’auteurs avec lesquels j’aimerais m’entretenir – de Shakespeare à Elizabeth Bishop, jusqu’à Albert Camus –, mais je pense que l’auteur qui m’obsède le plus actuellement est Anton Tchekhov. Il semble être un esprit incroyablement moderne, incroyablement contemporain. Mais ce qui me fascine le plus, ce sont certains aspects de sa vie. Il a aimé bon nombre de femmes et a été aimé en retour, mais il ne se serait jamais engagé. J’aurais aimé demander à Anton Tchekhov s’il a déjà été réellement en amour – et si oui, avec qui.»